Paterson habite Paterson, petite ville du New Jersey berceau ou ville historique d'accueil de plusieurs célébrités ou semi-célébrités (actuellement, c'est plutôt un désert...). Paterson est conducteur de bus, il écrit des poèmes en style "moderniste" (dans la lignée de William Carlos Williams), sa femme Laura est une sorte de styliste en noir et blanc, et son chien Marvin est un bouledogue. Tous les matins de la semaine, Paterson se lève tôt (entre 6h10 et 6h25), embrasse tendrement sa compagne avec laquelle il échange des mots doux, mange son petit déjeuner, se rend à son travail et démarre après avoir écrit quelques lignes de poésie. Le soir, après le dîner, il emmène son chien et prend une bière dans un bar qui fait un peu penser à tous ces bars gentils tenus par de braves Noirs un peu philosophes. Fondu au noir sur le lit du matin... Sept jours sont présentés.
Comme ça, on pourrait croire à un film d'un ennui et d'un manque d'intérêt confondants - c'est d'ailleurs l'avis d'un de nos critiques-phares pour qui l'enthousiasme autour de ce film vient du complot d'une petite coterie inféodée à Jim Jarmusch. En fait, c'est le point de vue de ce critique-phare pour chaque réalisateur qui ne lui plaît pas, comme Dolan, Tarantino et quelques autres.
On a dit aussi que c'était un magnifique film d'amour et que le couple formé était d'une grande et merveilleuse simplicité - autre manière de lui régler son compte. Mais il faut y regarder de plus près. A un moment Paterson déclare qu'il n'a pas de gsm, ça lui paraîtrait être tenu en laisse, et comme on connaît les tendances de JJ, on hausse un peu les épaules - oui, air connu ! - jusqu'à ce que son bus tombe en panne et qu'il est bien aise d'emprunter le smartphoned'un de ses passagers ; on apprend d'ailleurs incidemment que Laura est munie d'un iPhone, d'un iPad et d'un iPod. A voir Paterson promenant son chien en laisse, on finit par comprendre que c'est Laura qui tient Paterson en laisse. Elle n'a rien d'un personnage éthéré, même si elle a un grain avec ses décorations en noir et en blanc, aux USA il y a plein de gens qui ont ce genre de fofolleries. Ses cupcakes, elle espère faire fortune avec. Elle commande une guitare hideuse coûtant plusieurs centaines de dollars parce qu'elle voudrait devenir une chanteuse country pleine aux as. Marvin est son chien à elle, jaloux comme un tigre, et il se venge cruellement contre le pauvre Paterson. Laura le lundi rêve qu'elle à des filles jumelles, qu'elle en voudrait de vraies, et du coup Paterson passe sa semaine à en rencontrer, même une jeune poétesse qui est un peu de son école à lui. Le samedi matin, d'ailleurs, Laura se lève avant Paterson parce qu'elle doit aller à la brocante du Farmers' Market y vendre ses cupcakes, qui lui rapportent 286 dollars ! Elle n'en revient pas ! Elle cherche bien à consoler un peu son pauvre mari qui a perdu son manuscrit, mais pas trop quand même. D'ailleurs, à tout prendre, ce grand dadais... on s'aperçoit qu'il a des réflexes foudroyants et un grand courage physique - qui l'eût cru ? Lui qui avale presque impavide une immonde tarte secrète au Cheddar et choux de Bruxelles inventée par Laura...
Mais tout se termine bien, grâce à Marvin qui finit par prendre les choses en mains - ou plutôt en laisse - et qui sauve le poète, d'une très jolie manière.
Beau film un peu désenchanté, tout cela en douceur, comme toujours, chez JJ, pas si minimaliste que ça, il y a plusieurs scènes d'une délicieuse loufoquerie, mais, reconnaissons-le, il y a moins d'action que dans Star Wars.
En deux mots : A RECOMMANDER