On donnait depuis pas mal de temps le genre western en déclin, voire en coma dépassé. Il y eut bien, il y a une quinzaine d'années, le succès surprenant de Dances With Wolves, film parfaitement ridicule dont on se demande comment il suscita pareil engouement ; Kevin Costner ne tarda d'ailleurs pas à voir son mythe dégonflé avec The Postman, chef-d'oeuvre de kitsch amphigourique. On parla de reprise avec le remake du célèbre 3:10 To Yuma, assez controversé (je ne l'ai pas vu), mais c'est surtout le très remarquable Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford qui remettait d'emblée un certain type de western sur ses jambes. Il reprenait une fois de plus l'habituel schéma de détournement (JJ était plus une victime qu'un monstre, il avait des problèmes de santé, sa bande n'était que des minables, etc.), pas du tout dans un but de démystification toujours un peu vain et niais, mais bien pour donner une réelle épaisseur à une tragédie banale, dont Robert Ford le couard était sans doute la figure principale.
Tout différent est Appaloosa, véritable western de la ligne claire ; ici, on a toujours une tragédie (le destin s'acharne, l'anangke : on connaît la fin avant de commencer, c'est le déroulement qui importe), mais une tragédie toujours au soleil, sans lieu sombre, avec des personnages archétypaux, les scènes obligées, quasiment sans surprise (une attaque de train, une poursuite infernale, une femme-otage, une traîtrise, un duel...), un décor d'une fidélité et d'une historicité extraordinaire, à croire qu'il s'agit ici d'une parodie de western-spaghetti. Ou du moins, il en serait ainsi s'il n'y avait quelques retournements complets de situation (Bragg est copain du Président ! Fallait oser...).
A la différence d'Assassination..., il n'y a pas de Photoshoppage apparent dans Appaloosa, les paysages sont magnifiques et ensoleillés, les couleurs semblent réelles et la 8-gauge de Viggo Mortensen toujours chargée. J'ai bien cherché, mais je n'ai souvenir d'aucune fausse note dans le film, qui n'a rigoureusement rien à voir avec l'épure magnifique qu'est A History of Violence quoi qu'en aient dit certains critiques - il ne suffit pas que le même acteur apparaisse dans deux films pour les mettre en rapport.
Dix jours après son lancement à Bruxelles, il ne passait plus que dans une petite salle de l'UGC de Brouckère. Il dure 115 minutes, autant de minutes de plaisir, allez le voir avant qu'il ne disparaisse complètement.
N.B. Sidney Furie a réalisé en 1966 The Appaloosa, une histoire assez différente mais bien classique, avec bandits mexicains obligatoires ; le titre de ce film se référait à une race de chevaux (les appaloosas) alors qu'ici il s'agit d'une ville imaginée par l'auteur du livre sur lequel est basé le film, Robert Parker. Quant à "Lollapaloosa", je vous laisse le soin de chercher...