Très beau titre, qui fait pendant à "Zero: The Biography of a Dangerous Idea" que je vous recommande sans restriction.
J'aime beaucoup Cronenberg, ses Fly, Crash, Spider, ExistenZ, etc. C'est vrai qu'il s'est assagi avec Paranoid Park et surtout Eastern Promises, qui deviennent peu à peu mainstream.
"A Dangerous Method", comme vous le savez sans doute, est un film consacré - dit-on- à la confrontation entre Jung et Freud. Sauf que ce n'est pas du tout ça. On a droit pendant deux heures à des discussions interminables entre Freud, Jung, Emma (Jung) et Sabina Spielrein. Le tout enveloppé dans des dialogues du genre "Psychanalyse pour les Nuls". On parle, on parle, on parle, et on n'arrive nulle part. Freud est - correctement à mon avis - obsédé non seulement par son point de vue sexuel où tout, tout, tout est centré sur le zizi, mais où il se bat pour faire triompher un point de vue scientiste (eh oui !) contre Jung qui se débat pour faire entrer le chamanisme, l'EPR ou toute autre crétinerie dans le discours de la psychanalyse qui se développe dans le début des années 1900.
Je n'entrerai pas dans la querelle, mais à mon point de vue Jung était un mystique quelque peu dérangé et Freud un scientifique raté, un amateur d'art intelligent mais dévoyé (dans le sens réel du terme). J'ai beaucoup de considération pour lui (malgré Ernest Jones) car, contrairement à ce que ses critiques haineux ont dit, il n'a jamais désavoué ses prédécesseurs dans le domaine de l'inconscient, bien au contraire. Son meilleur critique, à mon point de vue, est évidemment Van Rillaer, qui est ouvert, intelligent et bien intentionné. Je persiste à dire qu'il est un poète et que ses observations (hors théorisations) sur les actes manqués, sur le "retour du refoulé", et sur l'instinct de Mort (avec l'aide justement de Spielrein !) sont à prendre en considération, même s'il ne faut pas les prendre au pied de la lettre. Un poète, sans doute, un artiste, et j'ai beaucoup à partager avec Cronenberg quand Freud insiste qu'il se place du côté de la science - on le trouve (passim) dans ses écrits.
Mais je m'égare. Il s'agit ici d'un film. Et, une fois de plus, je suis à cran quand je vois "basé sur une histoire réelle". Alors quoi ? Pas moyen de créer ? On doit se baser sur ? Quel manque d'imagination ! Qu'est-ce qu'un film ? Une histoire, bien, on le sait. Mais ici ça parle, ça parle, ça parle... Pour dire des phrases que tout un chacun a entendues lors de sa première connaissance avec le vocabulaire psychanalytique...
Et puis, que dire d'une photo léchée, d'un très beau cinéma ultra-classique, académique ? Sabina en faisant des tonnes, ça, par contre, c'est pénible... Bien sûr, le bureau de Sigmund est reconstitué avec un luxe de détails infini et même (paraît-il) le 19 Berggasse avec son escalier, sans compter ses six filles et son éternel cigare qu'il devrait conserver même dans son bain pour faire plaisir aux cognoscenti qui savent comment il est mort...
Vu ce soir avec trois psychanalystes, deux pour, une contre !
Gute Shabbes, comme aurait dit Freud, qui, dans le film, n'a pas peur de contraster le point de vue de Juifs et de Protestants
Cela dit, pour avoir un meilleur point de vue sur un cas de grand névrosé - sinon de psychotique - allez voir Shame. J'avais peur de voir un film quelque peu prétentieux mais ce n'est pas du tout (enfin, quasiment pas) le cas. La séquence de course de Brandon dans un New York bleu est à elle seule époustouflante et un panorama de ma ville adorée.