A toute chose, "bio" ou "eco" sont bons - ça accroche, ça fait vendre, ça rassure. Ainsi en est-il des "biocarburants" ou du "bioéthanol".
"Terminologie, mon beau souci" avais-je dit en son temps, et voilà que ça me reprend : passe encore pour biocarburant, mais tout juste, puisqu'il est plus que probable que le pétrole a une origine biologique (consultez tout de même les mânes de Thomas Gold - et un post postérieur sur ce sujet). Mais "bioéthanol" ! Depuis quand fabrique-t-on de l'alcool avec du pétrole ? Tchah !
Quoi qu'il en soit, certains enthousiastes (souvent quelque peu intéressés, mais c'est humain, ça...) nous dépeignent l'avenir radieux où nos automobiles rouleront sans l'aide du pétrole, mais en consommant tout simplement de la bonne gnôle bien de chez nous ; un peu comme au Brésil, quoi.
Hélas, nous ne sommes ni chez Peter Pan, ni au Brésil - pas celui, en tous cas, du miracle permanent et de la vie rêvée. Le vrai Brésil, lui, a peu de voitures, beaucoup de canne à sucre et énormément d'espace ; et des politiciens qui n'ont pas froid aux yeux et qui sont parfois prêts à sacrifier quelques milliers d'hectares de forêt amazonienne pour se faire une petite plantation ; les automobilistes, après tout, ont bien la priorité sur les Guaranis, non ?
Dans nos pays, par contre, nous devons nous rabattre sur d'autres récoltes, le maïs aux USA et les betteraves sucrières dans notre vieille Europe, avec des rendements nettement moindres. Ou le blé. Mais ça fait grincer les dents de cultiver du blé à tire-larigaud pour faire rouler Germaine alors qu'il y a des petits ... (quand j'étais jeune, c'était Chinois, puis il y a eu Biafrais, maintenant vous y mettez ce que vous voulez) qui meurent de faim ; bien sûr, ça n'a pas vraiment de rapport, mais c'est suffisant pour faire enrager Lester Brown.
Malheureusement, il n'est pas du tout certain que le rendement en terme d'équivalents CO2 soit avantageux : il faut planter, arroser, engraisser, traiter, digérer, distiller, transporter - et tout ça consomme de l'énergie, beaucoup d'énergie. C'est le sucre qui est le plus facile à traiter, malheureusement sa production demande énormément d'eau, avec tout ce que ça suppose : ponction dans les nappes phréatiques et salinisation des terrains lessivés - et puis, de toutes façons, il n'y a tout simplement pas la place : dans les conditions actuelles, on estime qu'il faudrait 30% des terres agricoles aux USA pour produire assez d'éthanol pour remplacer 10% de l'essence consommée dans les transports. D'autre part, l'éthanol a un contenu énergétique nettement plus faible que l'essence (environ les deux tiers).
Le biodiesel (pas plus joli comme néologisme, mais tant pis) aurait-il plus d'avenir, puisque justement, ce moteur avait été conçu à l'origine pour fonctionner sur un peu n'importe quel résidu huileux ? Alors, chaque fois qu'on change l'huile de la friteuse, on peut faire une balade ? Non, mieux vaut l'huile de palme, mais là, c'est la fin des orang-outans ! (parce qu'ils vivent dans la jungle de Borneo, partiellement convertie en plantation de palmier à huile).
Il faut bien voir l'ordre de grandeur du problème : on consomme mondialement nettement plus de mille milliards de litres d'essence par an et presque autant de diesel. Mille milliards de litres, c'est un milliard de mètres cubes - c'est beaucoup.
Alors, pas de solution ? Peut-être bien que si, mais elle n'est pas pour faire plaisir à tout le monde...
(à suivre)