Le livre de Michael Crichton est évidemment un appel au
film, pré-digéré pour un scénariste paresseux ; Crichton a tout prévu, il suffit de délinéariser par ci, d'ajouter un petit flash-back (ou mieux, un front-flash) par là, et tout est en place pour
un super film d'action, avec explosions, assassinats, Pôle Sud, hélicoptères et poursuites en SUV, jusqu'à une pieuvre mortelle et, je vous le donne en mille, une scène de cannibalisme, sisi,
c'est juré !
Pourquoi donc ce best seller n'a-t-il pas été jugé digne de passer à l'écran et de rapporter des montagnes de dollars aux producteurs ? Je serais tenté de répondre "parce que c'est
MAUVAIS !", mais ça ne vaudrait pas, dans la mesure où tant de misérables bouquins deviennent de pitoyables mais juteux nanars.
Entendons-nous bien : pourquoi trouvé-je ce livre "mauvais" ? D'abord, c'est une espèce de polar-aventures, genre que je n'aime pas. Affaire de goût me dira-t-on, et c'est bien vrai. Mais aussi,
il en fait trop, c'est fatigant à la fin, tous ces gens auxquels arrivent les pires accidents et les plus atroces blessures, qui sont à un cheveu de la mort la plus noire à la page 191 et qui
sortent tout guillerets de leur lit d'hôpital à la page 193. Et du sang, qu'est-ce qu'ils en versent ! D'autre part, je n'ai jamais compris pourquoi le méchant préfère les laisser virtuellement
nus sur la banquise et s'éloigner en ricanant (ils seront sauvés, évidemment) plutôt que de leur coller une balle dans le caisson. Un point amusant : il fait mourir un certain Nat Damon dès les
premières pages ; clin d'oeil à Hollywood ? Heureusement, il n'y a pour ainsi dire pas de sexe, à part une scène presque chaste et qui pourrait être donnée en pâture aux pensionnaires des
Oiseaux.
Mais que c'est BAVARD !!! DEMONSTRATIF !!! Le personnage (réellement) principal, Keller, est évidemment un je-sais-tout doublé d'un je-sais-tout-faire dont la noble cause est de combattre des
épouvantails, des personnages tout-à-fait secondaires qui récitent par coeur un catéchisme écolo et PolCor à faire pleurer.
Le meilleur du livre, cependant, c'est sans doute la phrase en exergue, ainsi que l'appendix I, où Crichton se dévoile vraiment. Bien sûr, il y a de temps à autre des petites phrases qui montrent
qu'il n'est nullement un négationniste climatique, son Keller ou sa Jennifer reconnaissent qu'ils "cherry-pick" leurs données, mais pas plus que leurs adversaires... Il faut aussi de temps à
autre montrer les grosses associations écolos comme le Sierra Club, le WWF, FOE comme elles sont, c'est-à-dire des machines de guerre très idéologiques - pas question de faire un rapport
coût/bénéfice, anathème ! De là à en faire (même involontairement) les complices d'une organisation éco-terroriste ultra-violente, il y a de la marge... Certes, également, ses critiques du GIEC
et des travaux scientifiques sur lequel ce corps - politisé, c'est vrai - se fondent ne sont pas excessives. Chaque phrase est juste, mais l'ensemble est lourd et indigeste, et les personnages
n'ont aucune épaisseur ni aucune vraisemblance (je n'ai pas dit psychologie).
Cela dit, on sent qu'il a bien fait ses devoirs ; il y a étonnemment peu de grosses erreurs (je n'en vois qu'une, et c'est sans doute un lapsus calami), et la technologie qu'il évoque
est presque possible... encore que la cavitation de solides me laisse songeur...
Et pourtant, Crichton ne manque pas d'humour, lui qui baptise un de ses vaisseaux spatiaux "RV-LHOOQ"...