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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 19:15

Amoureux, artiste, savant fou ou extraterrestre, voilà ce qu'il faut être pour n'avoir pas entendu parler du fameux rapport Stern, ou Stern Review dans le texte. Ce excellent économiste a produit, à la demande personnelle de Gordon Brown (alors chancelier de l'Echiquier) un rapport où il explique froidement qu'en matière de réchauffement climatique, le BAU (business as usual) amènerait à une catastrophe épouvantable, alors qu'il suffirait de faire un (assez gros) effort de l'ordre d'un pourcent annuel du PIB mondial (ce PIB se montant à quelque chose comme 55.000 milliards de dollars en 2007, ce n'est pas rien). Entre ce prix - assez fort mais supportable - et l'apocalypse, qui pourrait hésiter ?

Une première remarque s'impose : ce rapport a été rédigé dans l'urgence et n'a pas été peer-reviewed. Ensuite, il s'inspire très évidemment des travaux de Nordhaus et al. qui ont développé un modèle informatisé DICE (Dynamic Integrated model of Climate and the Economy) ; ce modèle prend en compte de nombreuses données impliquées dans la lutte contre le réchauffement climatique et évalue le coût de chaque politique de gestion de climat qu'on lui soumet. Il est utile de noter que Nordhaus est un économiste (néo)classique, co-auteur du célèbrissime Economics de Paul Samuelson ; il a aussi écrit en 1972 un article avec James Tobin, Is Growth Obsolete ? Bref, un homme modéré, keynesien comme il est de bon ton de l'être actuellement, libéral et liberal (il n'y a qu'en France que "libéral" est une injure - pardon, c'est vrai, le mot "libéral" n'est pas usité, il n'y a qu'ultralibéral. Je reconnais que nous avons notre Hughes Le Paige qui déclarait récemment la position de la Commission européenne comme, vous l'avez deviné, ultralibérale. Quand on voit les piles de papier du JOUE publiant année après années des quantités hallucinantes de règlements, de décisions et de directives, depuis la gestion de la TVA jusqu'à la standardisation des fermetures-éclair, on se demande de quel ultralibéralisme il s'agit). Remarquons ensuite que Stern se place dans l'optique d'une évaluation coût/bénéfice qui est généralement rejetée par le noyau dur des environnementalistes, ceux qui ont une attitude presque mystique ou carrément idéologique, ce qui ne les empêche pas, par ailleurs de brandir le Stern Review comme preuve de ce qu'ils avancent.

Mais, là où Nordhaus fait jouer son modèle dans différents scénarios pour en étudier le coût et l'efficacité, Stern ne propose qu'une recette, et ce faisant, s'arrange pour que les coûts soient minorés et les dangers maximisés. En effet, chaque fois que les estimations donnent une fourchette du prix à payer par les générations futures, Stern choisit évidemment la somme la plus élevée, et n'hésite pas à l'arrondir vers le haut. D'autre part, comme toutes ces sommes s'additionnent, il est évident qu'on aboutit à un scénario worst-worst case. Chemin faisant, d'ailleurs, il revient avec la vieille rengaine des ouragans aux USA. Bref, une attitude ouvertement catastrophiste et assumée comme telle ; ainsi le BAU retenu implique de ne rien faire même pour combattre certaines conséquences inévitables d'un réchauffement tout aussi inévitable.

Cependant, ce qui a le plus retenu l'attention de nombreux économistes, c'est que Stern fixe un taux d'escompte quasiment nul pour évaluer les (possibles) dommages lointains. Autrement dit, dépenser un milliard aujourd'hui pour éviter des dégâts d'un milliard (hors inflation) dans 50, 100 ou 200 ans (il parle même à un moment de risques pouvant naître en 2800). Très peu d'économistes (mais de nombreux philosophes) peuvent accepter que la richesse générale du monde ne puisse pas suivre l'évolution moyenne du 20e siècle (qui a connu tout de même trois catastrophes mémorables : 1929 et deux guerres mondiales), et dès lors, le choix - arbitraire - de Nordhaus, 5,5%/an, est compatible avec les données de fait. La position de Stern est qu'une telle escompte conduit à diminuer la valeur (morale, en quelque sorte) que nous accordons aux générations futures, ce qui rappelle le slogan gnan-gnan et fatigué, "nous empruntons la Terre à nos enfants"... Ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, de postuler une croissance de la richesse globale de 1,3%/an. En fait, Nordhaus montre bien qu'il est illusoire de vouloir faire fi du taux d'intérêt normal du marché si on veut - et on le veut ! - l'appui des industriels et plus généralement du monde réel, pas seulement des ONG de choc.

Il existe des critiques beaucoup plus virulentes du Stern Review, comme celle de Bjorn Lomborg, qui fait remarquer que 1% du PIB mondial, soit environ 500 milliards de dollars, représente pas loin de dix fois ce que les Nations-Unies estiment nécessaire pour fournir à tous les habitants de la planète les besoins de base (eau potable, soins médicaux de base, habitation saine et éducation de base). Ou celle de George Reisman, qui, en bon économiste de l'école d'Autriche, vitupère le Stern Review et son dirigisme étatique...

Bien, me direz-vous, mais quelles sont les conclusions de Nordhaus ?
Les scénarios calculés sont les suivants :
- BAU : 0 (par définition, c'est la baseline)
- Programme optimal (taxation du carbone à un taux croissant) : + 3
- Kyoto pérennisé : +1 (avec les USA) ou 0 (sans les USA)
- "Stern" : -15
- "Al Gore" : -21

Les chiffres sont en milliers de milliards de dollars (trillions en anglais), un chiffre positif signifie qu'on y gagne autant de trillions, un chiffre négatif, qu'on y perd autant de trillions.

Mais, cachottier, j'ai gardé le meilleur pour la fin. Il existe un autre scénario possible, celui que Nordhaus appelle low-cost backstop, c'est-à-dire un changement de paradigme, un après-carbone, et bon marché. Géothermique, solaire, éolien, séquestration des GES, peu importe ; il donne même comme exemples (hypothétique) des arbres modifiés génétiquements pour stocker du carbone. En bref un cocktail d'idées ou un produit de brain-storming.

- Low-cost backstop : +17...

Evidemment, ce n'est qu'un modèle, ce n'est pas la vérité révélée, mais c'est un modèle "robuste".

Précisons que le modèle "optimal" envisage de taxer le carbone à 42 $/tonne (coût esimé de son externalité) dès 2007, pour arriver à 95 $ en 2050 et 207 $ en 2100 (quand Stern préconise une taxation immédiate de 350 $, autant dit autant fermer les usines tout de suite - ou, plus exactement, autant s'attendre à ce que personne ne souscrive à son plan). Une fois de plus, on se débarrasse des externalités.

Ses conclusions sont claires et assez simples, mais l'une d'entre elles me semble devoir retenir l'attention de chacun :


Whether someone is serious about tackling the global-warming problem can be readily gauged by listening to what he or she says about the carbon price. (...) To a first approximation, raising the price of carbon is a necessary and sufficient step for tackling global warming. The rest is at best rhetoric and may actually be harmful in inducing economic inefficiencies.

P.S. Un très intéressant (comme d'habitude) post d'Optimum sur le sujet

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