Ou, si l'on préfère, heureux qui comme Ulysse, c'est moins Werkkraft mais plus sérieux. Eh oui, me voici de retour en ma patrie après lui avoir fait quelques jours d'infidélité, et je n'ai eu nul besoin de panneau-frontière pour savoir immédiatement que j'étais enfin revenu au bercail, que j'avais franchi cette ligne imaginaire certes, mais combien symbolique qui sépare "l'étranger" du "chez soi"...
La route était devenue épouvantable en moins d'une dizaine de mètres.
On imagine mal qu'un ruban continu depuis Sienne puisse se dégrader en si peu d'espace, mais c'est ainsi. Tarmac bruyant, mal égalisé, irrégulier, oui, j'étais bien revenu sur l'autoroute de Wallonie, celle qui passe tous les mois fériés (été et hiver) de chaque année à être presque entièrement refaite, en attendant la prochaine fois. On nous avait expliqué que, faute de moyens, la première esquisse avait été réalisée à bon marché, pour tenir dix ans tout au plus. Puis que l'enrobé drainant qui avait suivi était, lui, très cher et très performant, mais pas du tout conçu pour le gel, qui le transformait en patinoire (de fait, c'est de l'enrobé drainant entre Milan et Bologne, ils en sont très satisfaits là-bas. Il est vrai qu'il y gèle moins qu'en province du Luxembourg, malgré son ardeur d'avance). Pour ce qui est des réfections actuelles, j'en ignore les raisons, mais je suis confiant qu'elles ne seront pas terminées avant mes vacances de ski.
Ah oui, et l'autoroute est merveilleusement illuminée sur quelques kilomètres, ce que le monde entier nous envie. Il est vrai que c'est très pratique pour éviter les trous. Hélas, ça ne dure pas.
Et puis alors, on a voulu faire chic et choc : de belles images de notre chic terroir, rehaussées de phrases choc. Consternant. "Mélange étrange d'églises et de granges", "Entre deux berges, la Sambre gamberge" et tutti quanti aussi atterrants l'un que l'autre.
J'hésite entre deux hypothèses :
- soit c'est un petit neveu du Ministre en place, enfant dont toute la famille assure qu'il est très doué et qu'on a chargé de trouver de jolies phrases faisant se pâmer d'admiration les proches du jeune prodige (ce pourrait être une fille, mais j'en doute, je ne sais pas pourquoi)
- soit c'est le Directeur de la propagande qui a pondu d'autorité les beaux slogans au prétexte qu'il avait, selon ses dires, "taquiné la Muse" durant sa lointaine jeunesse, et dont ses sous-directeurs, sycophantes obséquieux, ont admiré la tranquille audace et le parfait classicisme (ou alors ils se sont roulés par terre de rire en espérant que la vieille ganache allait se faire mettre à la retraite d'office lorsqu'on saurait qui était l'auteur de cette poisseuse connerie clownerie).
Mais qu'on n'y voie ni dans l'un ni dans l'autre un avatar Carolorégien - encore une fois, nul besoin d'invoquer la corruption lorsque l'incompétence ou la bêtise peuvent tout expliquer.