Ours polaires ou non, les propositions d’Al Gore, de Jim Hansen ou de Nicolas Hulot de
« sortir rapidement du carbone » sont absolument irréalistes. Certains sont plus honnêtes : les malthusiens et les partisans de la décroissance estiment qu’il ne faut pas sortir les
pauvres du Monde de leur pauvreté et leur apporter les bienfaits de notre civilisation. « Nous voulons éliminer les souffrances, les maladies ? L’idée est belle mais n’est peut-être pas
tout à fait bénéfique sur le long terme. Il est à craindre que l’on ne compromette ainsi l’avenir de notre espèce. C’est terrible à dire. Il faut que la population mondiale se stabilise et, pour
cela, il faudrait éliminer 350 000 hommes par jour », voilà ce que déclarait froidement Steve Zissou, pardon, le capitaine Cousteau en 1991, sans préciser toutefois comment éliminer ces 350.000
hommes, femmes et enfants chaque jour. Ni que faire des cadavres. Ou Fabrice Nicolino : « Les peuples du Sud ne rejoindront jamais, à vue humaine, notre niveau de vie - ce qui abat d’un
coup toute l’idéologie soi-disant universaliste des gauches -, et c’est tant mieux, non du point de vue de la morale, mais de celui de la vie »(*). Mais au moins ces gens-là ne se
bercent pas de mots : ils sont ouvertement anti-humanistes et fiers de l’être. Il y a aussi les spiritualistes à la
Vandana Shiva, pour qui la misère matérielle est garante d’une grande richesse spirituelle et l’enrichissement – surtout à la mode occidentale – est synonyme de dégénérescence absolue.
Ce dont le Monde a besoin, a faim, c’est d’énergie. On peut évidemment rêver
d’exterminer les populations qui, un peu partout sur la planète, se chauffent et cuisinent avec du bois, de la tourbe, des excréments animaux ou du charbon de bois, provoquant ainsi une pollution
effroyable et des déboisements intenses dont elles sont les premières victimes. On peut aussi essayer d’améliorer leur vie, et s'il est certain que des panneaux solaires et/ou des éoliennes
peuvent être de bonnes solutions dans certains cas, il reste que le pétrole (et/ou le gaz) sont indispensables pour longtemps
encore - on parlera plus tard du nucléaire. Prenons les six nations les plus peuplées : Chine, Inde, USA, Indonésie, Brésil et Pakistan ; les USA, avec environ 10% de la population, consomment
quasiment autant d'énergie que toutes les autres combinées. Bien sûr, on ne manquera pas de dire que les Américains consomment trop d'énergie, mais ça ne change rien au fait que
près de trois milliards d'Hommes en plein développement ont besoin de beaucoup d'énergie pour sortir de la pauvreté. Et si c'est au prix d'un éventuel changement climatique, tant pis, il
faudra s'y faire - dans le plein sens du terme. Encore une fois, les ridicules rodomontades à la Al Gore "You can even reduce your carbon emissions to zero" sont de la rigolade, B.S. ! (pour Bad
Science, of course). Il suffit d'ailleurs, et je l'ai assez dit, Kyoto a été un flop complet, un misérable pétard mouillé.
Ce qui, évidemment, ne signifie pas qu'il faille se croiser les bras : la course à l'efficacité
n'est pas neuve, et j'ai déjà publié cette courbe paradoxale :
Même sans tenir compte de l'extrapolation, le résultat est impressionnant.
Mais que dire alors de la CCS, Carbon Capture and Sequestration dont on vante monts et
merveilles ? Enfin, pas tout le monde : les Verts y sont évidemment hostiles, et c'est un euphémisme, comme ils sont hostiles à l'énergie nucléaire, qu'elle soit de fission (et ils ont quelques
arguments) ou de fusion - et là, ils en ont peu, d'arguments, c'est simplement l'idée qu'on puisse être énergivore qui leur fait horreur ; ils veulent une petite vie provinciale,
paisible et sobre, enfin disons surtout qu'ils voudraient l'imposer aux autres. Mais les producteurs d'électricité, les pétroliers et surtout les charbonniers sont, eux, très enthousiastes - on
les comprend...
Partout on se répand en grandes déclarations sur la faisabilité de la technique, qui consiste
tout bêtement à récupérer le CO2 à la sortie des cheminées, le comprimer et le stocker dans des formations géologiques sûres. Comme ça, on ne dirait pas que c'est si difficile, mais en
tous cas, il n'y a pas encore d'application autre que quelques prototypes, et pourtant, ce ne sont pas les fonds qui manquent : 2,4 milliards de dollars au USA, 1,4 milliards d'euros de la part
de la Commission pour 2009, et ça ne s'arrêtera pas de sitôt.
Let's do the math, comme disent nos amis américains, faisons quelques petits calculs. Les
émissions globales annuelles de CO2 tournent autour de 30 milliards de tonnes, supposons qu'on puisse en récupérer 10%, soit 3 milliards de tonnes - à peu près la moitié des
émissions US. C'est beaucoup, et c'est volumineux (environ 22 litres pour 44 grammes à pression et température standard, faites le calcul), il faut donc le comprimer fortement, disons à
74 atmosphères (son point critique) pour arriver à un volume de... 6 milliards de mètres cubes (réf. p.21), soit plus que le volume annuel total de la production de pétrole !
Un VLCC (aussi appelé "supertanker") transporte environ 2 millions de barils (pétroliers) de liquide, et
il suffit donc de diviser
correctement pour arriver au résultat assez réjouissant qu'il faudrait l'équivalent de quelque quarante VLCC par jour pour se débarrasser (et où) de dix pour cent de ce
CO2. Et à quel coût !
Si l'on ajoute que l'extraction/refroidissement/compression du CO2 sont coûteux en
termes énergétiques et par suite grèvent fortement les coûts de production électrique - augmentant ainsi les émissions de CO2... - on comprend que cette filière n'est certainement pas
la panacée.
Pour une fois Greenpeace a raison.
(*) Voir chez Agriculture et environnement