Pour la Noël, j'ai offert à C. un abonnement de six mois au journal Le Soir, mais un "vrai" abonnement, avec dépôt du vrai papier dans la vraie boîte aux lettres. A vrai dire, j'avais accepté pour la persuader de la vacuité absolue de ce genre de canards, et je crois que j'ai réussi : le papier s'amoncelle et sert maintenant à allumer les barbecues.
Pourtant, je le lis de temps à autre et justement hier, quelques titres et un éditorial m'ont particulièrement amusé...
L'édito, d'abord.
Il portait sur le joli mouvement de menton de M. Karel De Gucht, celui-là même qui avait décidé de punir les faces de citron qui nous inondent de panneaux solaires. Et l'éditorialiste de féliciter la Commission, de fustiger les Etats membres qui sont contre, de haranguer la foule pour qu'elle rugisse enfin, faisant comprendre une bonne fois pour toutes que les Chinois ne pouvaient pas se comporter comme des cow-boys, des francs-tireurs !
Ah, le mâle et puissant langage...
J'admets qu'un édito n'est pas le lieu de dissection et d'analyse, mais un peu de réflexion n'est-elle pas nécessaire ? Et l'affaire des panneaux solaires méritait un peu mieux que cet appel aux armes (et le réflexe idiot de la Commission).
Il en va du dumping comme de l'obsolescence programmée, c'est un concept au mieux fumeux, au pire mensonger. Le dumping, c'est ce que font les Autres, vous, c'est venir au secours d'une Industrie (avec le I en capitale, ça va de soi) malade.
Pour avoir une vue un peu plus claire de toute l'histoire, je vous conseille d'aller voir chez Alexandre Delaigue, (*) et les citations de son article valent d'être lues également, et spécialement l'article du FT sur les résultats des taxes anti-dumping appliquées aux mêmes panneaux solaires par les USA.(**)
Notez, il y a quelques dizaines d'années, je me souviens d'un mien parent qui tonnait contre la Migros, dont il prévoyait bien sûr qu'elle pratiquait des prix de dumping pour rafler le marché et renchérir après... On a vu...
Le PS belge et la Commission.
Je dois reconnaître que le travail récent de la CE ne m'inspire pas énormément d'admiration, et les dernières prestations d'Olli Rehn distribuant des bons et mauvais points aux Etats et leur désignant la marche à suivre m'a indisposé. Ce n'était jusqu'à présent pas là le rôle de la CE, mais ce sont les États eux-mêmes qui lui ont conféré ce pouvoir.
Le PS belge l'a mal pris, mais comme il est très europhile, il a demandé à quelques-unes de ses lumières de pondre un papier expliquant aux mandataires qui se présenteront aux (très proches) élections à tous les niveaux ce qu'il fallait dire et faire, et surtout ne pas attaquer "l'Europe". Et le président tout neuf, Paul Magnette, a ainsi proposé que l'Europe devienne "la championne du monde des économies d'énergie".
On sait ce que ça veut dire, bien sûr, ce n'est pas en faisant comme les USA qui ont investi à fond dans le gaz dit de schiste, c'est en subventionnant des modes d'énergie dites (généralement à tort) "renouvelables", en pompant des dizaines de millions dans des champs d'éoliennes, en installant des hectares de panneaux solaires (chinois...) qui défigurent le paysage (je reviens de Sicile où j'ai été choqué par le spectacle, oui, même moi qui suis assez peu sensible aux "beautés de la nature"), bref tout une série de gadgets qui marchent mal, coûtent une fortune et nous sont un surpoids évident face à nos concurrents mondiaux qui doivent bien rigoler une fois de plus en se disant que décidément ces sacrés Européens sont impayables ! Mais, comme on dit généralement, c'est "écolo", donc ça marche moins bien et ça coûte plus cher...
Page Economie.
Oui, Le Soir a aussi ses feuillets saumon sur l'économie, et justement, j'y lis :
20% des Belges se partagent plus de 60% du patrimoine
PATRIMOINE Tous les Belges ne sont pas égaux devant la richesse
Alors là, voilà qui m'en bouche un coin ! Et je vais vous révéler un grand secret : même en Suisse, tous les Suisses ne sont pas égaux devant la richesse. Si si, je vous l'assure !
Retenez-moi ou je fais un malheur.
Après l'affaire Cahuzac, on allait voir ce qu'on allait voir : les ministres étaient tenus de déclarer jusqu'à leur vieille 2CV toute pourrie, et tous les zélus vont suivre !
Ben oui, on va voir. D'après les dernières nouvelles, chaque électeur français pourra consulter l'état de fortune de tout élu - mais interdiction de publier l'info ! Jusqu'à 45.000 € d'amende !
Voilà une fois de plus cette funeste habitude française de considérer le législateur comme un maître d'école. Il dicte leur conduite aux p'tis zenfants et ceux-ci, soumis, obéissent... Obéissants, les Français ? Pas vraiment, non... Alors, avec le Net, vous imaginez ce qu'on fait d'une interdiction pareille ?
La décence m'empêche d'aller plus loin.
Google Earth, ouh que c'est vilain !
"Une application comme Google Earth peut être aisément détournée par des réseaux terroristes pour faire des repérages d'objectifs. La vision consumériste de Google [...] nuit à la sécurité collective."
C'est très intéressant et c'est de Jean-Louis Bruguière (un pote à Gérard de Villiers, semble-t-il).
C'est vrai que la liberté et l'information, c'est très dangereux. Et quant à la vision "consumériste" de Google (ça veut dire quoi, au juste ?), c'est bien vrai qu'elle devrait être remplacée par une bonne vieille logique d'Etat : nationalisez Google, et que tout ça soit géré par le gouvernement !
Ça ne vous rappelle rien ? J'emprunte à Wikipédia :
"De 2002 à mars 2007, date à laquelle, atteint par la limite d'âge, il quitte ses fonctions, Jean-Noël Jeanneney est président de la Bibliothèque nationale de France. À ce poste, il se manifeste en particulier dans son offensive contre le risque de monopole du projet, annoncé par Google en 2004, de numérisation massive et de mise en ligne, dans sa bibliothèque numérique dénommée Google Books, d'ouvrages conservés dans quatre bibliothèques anglo-saxonnes. Un article publié dans Le Monde, puis l'essai Quand Google défie l'Europe : plaidoyer pour un sursaut (2005, 2006, 2010), traduit en quinze langues, dénoncent le risque pour la diversité culturelle de laisser le monopole au projet d'une entreprise commerciale privée qui accorde un poids disproportionné à la langue anglaise, et dont l'organisation des documents repose sur les algorithmes secrets du moteur de recherche et est notoirement influencée par la publicité. Il lance un appel à une contre-offensive européenne, sous la forme d'une Bibliothèque numérique européenne, multilingue, gratuite et reposant sur une hiérarchisation transparente des documents. Ce projet ayant reçu le soutien des institutions européennes, la BNF développe un prototype qu'il a dénommé Europeana, dont la version bêta a été mise en ligne en mars 2007 à l'occasion du Salon du livre de Paris, et la version définitive en novembre 2008."
Heureusement qu'on a Europeana ! Qu'est-ce qu'on ferait sans elle ?
Notons tout de même que ceux qui prônent à tout-va la "diversité culturelle" sont les plus acharnés défenseurs de "l'exception culturelle"... Mais on n'en est pas à une contradiction près
(*) et tant que vous y êtes, ne manquez pas son billet passionnant sur l'histoire des containers.
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