Oui, je l'avais déjà mise, mais je la trouve marrante.
Or donc, voici qu'un article du Monde nous révèle que les actionnaires de Charlie Hebdo se sont partagé la jolie somme de 825.000 euros en 2006, année un peu exceptionnelle tout de même,
puisqu'elle correspond aux fameuses caricatures et que ce seul numéro s'était vendu à 500.000 exemplaires.
Je suis scandalisé. Comment, ces gens-là gagnent donc de l'argent ? Il ne sont donc pas les crève-la-faim que tout artiste - surtout militant - se doit d'être ? "Quand je pense que j'ai acheté un
exemplaire pour les soutenir" se plaint un lecteur. Il a raison, c'est une honte : ils auraient dû assumer personnellement, sur leurs biens propres, tous les frais du procès et les amendes
par-dessus le marché. D'ailleurs, Plantu a eu parfaitement raison de caricaturer Val comme un nazillon - c'est très subtil, très digne et très intelligent.
Il y a tout de même une hic, une toute petite contradiction quelque part. Non pas chez Val ou Cabu, mais déjà un peu plus chez Nicole Blondeaux, la veuve de Gébé - vous savez, celui qui a écrit
l'An 01, l'utopie où l'argent n'existait plus et où tout le monde portait le même petit chapeau à la con ridicule. Certes, Madame Blondeaux
n'est nullement obligée de partager toutes les phobies de Gébé, mais il y a peut-être un peu de cette réserve qui lui fait dire que ce n'est plus comme avant (encore que ce ne soit que
pure hypothèse, puisqu'elle n'a plus de rapports avec l'équipe, selon ses propres dires).
Je veux surtout parler de Bernard Maris, l'inénarrable économiste-sic qui pond billet après billet pour démonter tous les rouages du Capital, pour montrer preuves à l'appui que le capitalisme
s'auto-détruit, que ses contradictions (celles du capitalisme, pas les siennes propres) entraîneront sa disparition et qu'enfin sur ses ruines vont resplendir une aube nouvelle et des lendemains
qui chantent grâce aux plans quinquennaux qui ont si bien fonctionné en URSS, en Corée du Nord, à Cuba, en Roumanie, etc., ces vraies démocraties, par rapport auxquelles les nôtres - qui ne sont
selon le mot méprisant d'Alain Badiou, que "le pouvoir d'une maigre oligarchie de dirigeants d'entreprise, de détenteurs de capitaux, de politiciens consensuels et de stars médiatiques" - ne font
pas le poids. Bah, après tout M. Maris, en empochant ses 110.000 euros, se disait sans doute qu'il plantait un clou supplémentaire dans le cercueil du capitalisme ; ou peut-être qu'il a tout
versé au Secours Rouge International. Ou au PCF, qui en a rudement besoin pour payer sa note aux soins intensifs.
Oh, ce n'est pas le seul Bernard Maris à nous seriner la leçon de la catastrophe, c'est même une spécialité d'Attac et du Monde Diplomatique, et depuis longtemps encore, bien avant ces
sycophantes castristes de Ramonet et Cassen : lorsque le journal était encore Catho de Gauche, avec Claude Julien à la barre, il n'arrêtait pas de prophétiser sur les cataclysmes qui attendaient
le Capital, et ce depuis la faillite d'une certaine Chemical Bank si j'ai bonne mémoire. Claude Julien, par ailleurs un homme charmant et généreux (j'ai pu le rencontrer deux ou trois fois),
avait une fixette en tête et n'en démordait pas. Il faut lire ses éditos de '87, lors du mini-krach ! C'était fini, la Bourse, terminé ! Le système financier mondial, foutu ! Relisez, si
vous croyez que j'exagère. Et à chaque fois que la Bourse a le hoquet, c'est reparti dans le Diplo. Et chaque fois "ah oui, mais cette fois-ci, c'est différent". Les subprimes, c'est
différent. Cette fois, c'est tout le système mondialiste, l'argent fou, qui va s'écrouler.
Oui, comme le fameux bug de l'an 2000, The End Of The World as We Know It, ça vous rappelle quelque chose ?
Eh bien, ne craignez plus rien, c'est officiel : les experts du Future of Humanity Institute (si, si, ça existe ! et c'est même un prestigieux institut de la non moins prestigieuse université
d'Oxford) ont établi qu'il n'y avait pas de catastrophe prévisible en vue. Donc, un terrorisme avec des bombes A sales, ou une attaque de
virus genre Ebola, pas de problèmes. Même les dangers d'astéroïdes frappant la Terre sont négligeables, demandez-le aux dinosaures. Les seuls doutes qui restent concernent les nano-technologies
et l'Intelligence Artificielle ; quand on voit ce que cette dernière a produit depuis tant de décennies, on peut rester sceptique... Et pour ce qui est des nanotechnologies, en l'état actuel des
choses, on ne peut rien en dire, sinon rêver au fameux grey goo, mais c'est comme parler de réanimation en lisant Frankenstein. Evidemment, ça
ne va pas tout-à-fait dans l'air du temps, catastrophiste à souhait, mais enfin ce genre d'attitude ne date pas d'hier. Piove, governo ladro hier, y'a plus de saisons, c'est la faute
au réchauffement climatique aujourd'hui (ah mais, dans les années '50 c'était les bombes atomiques, certains s'en souviendront...).
Heu-reux.