Il est paru récemment dans le New Scientist un petit dossier relativement intéressant sur The Age of Denial, le temps du déni, passant en revue les diverses théories du complot ou refus de l'évidence scientifique, comme l'Intelligent Design, le découplage VIH/SIDA, le 11 septembre, la vaccination en général et en particulier dans le cas de la grippe A(H1N1), etc. Et, dans l'etc, il y a, vous l'aurez compris, le réchauffement climatique global, du moins pour Debora MacKenzie, que j'ai connue mieux inspirée ; en vrai bon sceptique, Michael Shermer ne s'associe pas à ce point de vue : " Croyez-vous au RCG ? Répondez par tout sauf un oui franc et massif et vous risquez d'être catalogué comme un négationniste climatique, dans le même sac qu'un révisionniste de la Shoah ou un négationniste de l'Evolution". Et cependant, je le répète, Shermer est plutôt un convaincu (en l'occurrence un converti, mais visiblement pas un de ces convertis enragés).
On se souvient du fameux "trou dans la couche d'ozone" qui a tant défrayé la chronique il y a quelques décennies ; la science semblait bonne (elle le semble moins aujourd'hui), c'était de la chimie assez élémentaire et une connaissance rudimentaire de la stratosphère qui permettait de modéliser la chose et même d'expérimenter. Il ne fallait pas chercher bien loin l'origine principale des halogènes présents là-haut, puisque les CFC étaient déversés sans parcimonie dans l'atmosphère, et donc, le Protocole de Montréal n'a pas soulevé beaucoup d'opposition - je ne me souviens que de celle d'Haroun Tazieff qui prétendait mordicus que tout cela était un coup monté par duPont pour vendre de nouveaux gaz propulseurs, les fréons étant tombés dans le domaine public. Il est vrai qu'il parlait totalement en-dehors de son domaine de compétence et qu'il avait parfois tendance à la complotite... Je reconnais sans remords aussi avoir lutté à l'époque contre cette expression ridicule de "trou dans la couche d'ozone", mais je me faisais regarder de travers, comme encore maintenant lorsque j'essaye d'expliquer qu'il n'y a pas de "bon" ou de "mauvais" cholestérol.
Aussi les premières rumeurs sur le RCG ne m'ont pas surpris, il n'y avait pas de raison de mettre en doute la réalité d'un phénomène par ailleurs bien établi, le fameux effet de serre. J'étais cependant assez surpris de cet unanimisme soudain, de ce suivisme immédiat à ce qui n'étaient tout de même que des suspicions, même si elles émanaient de noms reconnus, mais immédiatement happées par les catastrophistes habituels, Greenpeace, WWF, FOE et tous les zécolos de service, ceux-là mêmes que Bjorn Lomborg avait épinglés dans son célèbre Skeptical Environmentalist (on avait essayé de le lui faire payer cher, d'ailleurs). Mieux vaut nulle science qu'un peu, dit-on, mais mieux vaut encore une bonne quantité. Le processus de Kyoto étant de toute évidence un spectacle de bateleurs cherchant à montrer leur musculation en ne l'exerçant pas, il valait tout de même la peine de se pencher d'un peu plus près sur la chose, d'autant que la plupart des catastrophes annoncées l'étaient dans un délai somme toute assez long ; étant donné les marges d'incertitude qu'on pouvait deviner, prendre des mesures draconiennes pour ce qui pourrait peut-être bien arriver dans un siècle méritait d'être au moins discuté. Inutile de le faire en Europe francophone, la cause est entendue et le moindre doute immédiatement taxé de la plus absolue méchanceté, mépris de l'humanité et mauvaise foi. Les bouledogues montent la garde. Aux Etats-Unis, par contre, la discussion était beaucoup plus vive, mais hélas plus polarisée aussi. Républicains contre Démocrates, liberals contre (ultra-)libéraux, il y avait un jeu politique et, c'est évident, l'influence de puissants lobbies - notamment ceux qu'on oublie un peu trop souvent, tout au plaisir de citer les pétroliers : le WWF, Greenpeace, le Sierra Club, qui disposent de fonds considérables, mais également d'autres acteurs qu'on suspecterait d'être dans le camp adverse.
Le film d'Al Gore fut le commencement du début. C'était tellement gros, tellement Barnumesque, tellement faux, avec des ruses de gamin, graphiques trafiqués et petites histoires familiales, que j'ai décidé d'aller voir d'un peu plus près. Par la suite, les Arthus-Bertrand et autres Hulot n'ont pu que me conforter dans ma méfiance ; je dis méfiance car je pense finalement qu'en cette matière, il reste de très sérieux doutes sur la science qu'on nous brandit et sur les voix de tonnerre qui nous annoncent : "la messe est dite !".
Car, enfin, où se situe finalement l'arrogance et la mauvaise foi ? Lorsque Hansen/Mann et leur RealClimate blog foudroient les hésitants, ou pire, les contradicteurs, en les traitant de vendus aux intérêts du Grand Capital, ou lorsque Pierrehumbert accuse Courtillot d'être le "truand" (the Ugly) du film de Sergio Leone, qui est le négationniste ? Je ne suis pas naïf au point d'imaginer que les scientifiques sont des gentilshommes qui se font des grâces et se piquent de courtoisie ; c'est une rude besogne où les sarcasmes, voire les insultes, peuvent pleuvoir. Le problème, ici, est compliqué par le fait que les gens du GIEC semblent se sentir investis d'une sorte de messianisme qui leur fait voir leurs adversaires comme des suppôts de Satan (quand je parle des gens du GIEC, c'est de ceux du WG1 qu'il s'agit. Les autres me semblent un tout petit peu des ectoplasmes à usage politique).
Il existe nombre de blogs très sérieux sur le sujet, alimentés par des scientifiques de grande qualité ; il en est d'autres plus virulents ou polémiques, voire franchement drôles, comme l'inénarrable Minnesotans For Global Warming. On se rend bien compte en les suivant que la messe est loin d'être dite, mais qu'il s'agit bien d'une messe. D'un côté, les physiciens, les praticiens, ceux qui ont une connaissance plutôt pratique des choses, de l'autre les théoriciens, les modeleurs, physiciens aussi, bien sûr, mais d'un autre type de physique : voilà en gros l'opposition des scientifiques, un peu Bill Gray contre Kerry Emanuel. Et puis, les politiques : les interventionnistes et étatistes d'un côté, de l'autre ceux qui se méfient de l'usurpation des pouvoirs par des bureaucraties avides. Quand on voit la Commission européenne réclamer à tue-tête que ses Etats se fassent hara-kiri et montrent la voie au Monde médusé par tant de grandeur et de noblesse, puis évidemment se faire jeter comme une malpropre du cénacle réunissant USA, Brésil, Inde, Russie et Chine à Copenhague, on a des doutes. Dans Le Monde de ce jour je lis que l'Allemagne regimbe au suicide ; intéressant, l'Allemagne, si elle a inscrit l'interdiction du déficit dans sa Constitution (absurdité à mon avis), ne l'a pas fait pour le principe de précaution et elle a eu mille fois raison.
Pour résumer, il n'est pas impossible que le RCG anthropogénique existe, mais c'est très loin d'être assuré. Les modèles climatiques sont très peu fiables, les mesures également, et tout particulièrement les proxies du genre courbe de Mann. Tirer des conclusions et prôner des politiques aux effets au moins aussi dévastateurs pour l'humanité que les catastrophes parfaitement virtuelles annoncées par les prophètes de malheur du WG2 me semble pour le moins prématuré. Il faut aussi savoir qu'il existe des lobbies particulièrement actifs dans tous les camps, et particulièrement dans le domaine des énergies alternatives et de la géo-ingéniérie - y compris la séquestration du dioxyde de carbone. Il n'est pas vrai que la maison brûle, il ne faut pas écouter les fauteurs de terreur au prix de la démocratie. Il n'est pas vrai que pour la Presse - scientifique ou autre - donner la parole à Pielke, à McIntyre ou à Lindzen c'est la même chose que de la donner à un adepte de l'ID.
Si j'ai parlé de moi, c'est simplement parce que je pense que mon itinéraire devrait être celui qu'on nous a toujours enseigné de suivre, celui d'un honnête homme, et je pense que de plus en plus de gens ont les mêmes doutes que moi. Mais il ne fait pas bon exprimer ses doutes hic et nunc, vous passez illico pour un fieffé facho en Europe et pour un vendu aux USA. Bah, tant pis, le plus regrettable dans toute cette affaire, c'est qu'on finit par succomber à la dissonance cognitive et qu'on ne lit même plus ses contradicteurs, ce qui est une funeste erreur.