Nous demandons au médecin appelé "le fléau des médecines alternatives" pourquoi tant de gens tombent dans des thérapeutiques non-scientifiques
On vous décrit comme un déboulonneur de charlatans à cause de votre travail de tester les médecines alternatives. Est-ce une bonne description de votre travail ?
Je n'aime pas du tout ce titre de déboulonneur de charlatans. Je pense qu'il est erroné. Mon but était de faire des recherches rigoureuses dans l'efficacité, la sécurité et le coût de médecines alternatives et complémentaires (MAC). Ce n'est pas le rôle d'un déboulonneur de charlatans. Les résultats sont souvent négatifs, mais pas toujours. Nous avons découvert 20 traitements alternatifs qui marchaient mieux que des placebos. Nous avons aussi trouvé que certaines MAC font plus de tort que de bien.
L'attitude du public envers les MAC a-t-elle changé durant vos 18 ans de recherche ?
Au Royaume-uni, la progression des MAC est restée généralement constante, mais aux USA elle a quasiment doublé durant la dernière décennie. En Allemagne, environ 75% de la population se tourne vers les MAC au moins une fois par an. On me demande souvent pourquoi les Allemands, qu'on pense rationnels, sont tellement en faveur de thérapeutiques non-scientifiques. Je n'ai pas de réponse.
Qu'est-ce qui attire les gens envers la médecine alternative.
Je crois que pour beaucoup de gens, c'est une question de mode, une preuve d'être nantis et de pouvoir se permettre rous ces traitements inutiles. C'est comme le slogan de l'Oréal, "je peux me permettre la réflexologie ou l'irrigation du côlon car je le vaux bien". Et puis il y a cette image des MAC qui sont "naturelles" et que tout ce qui est naturel est bon, sans effets secondaires. Et ceux qui sont mourants, à leur dernière extrémité, peuvent être désespéramment à la recherche d'un traitement. Vous n'imaginez pas à quel point on raconte des mensonges à ces personnes. Je n'ai aucune hésitation à dire que c'est le côté criminel de la médecine alternative.
Que voyez-vous comme nouvelles tendances ?
La médecine holistique est un sujet qui m'énerve prodigieusement. On veut convaincre les gens que c'est ce qu'il y a de mieux - conventionnelle et alternative - mais quand vous allez voir ce qui se cache derrière cette banalité, c'est le charlatanisme qui s'avance masqué pour s'introduire frauduleusement dans la médecine conventionnelle.
Pensez-vous que la médecine conventionnelle peut apprendre quelque chose des thérapeutes alternatifs ?
Absolument. La compréhension, le temps et l'empathie - ce que nous appelons "l'art médical" - sont négligés par la médecine conventionnelle. Si nous déléguons cela aux thérapeutes complémentaires, nous sapons le coeur de la médecine.
Vous avez changé d'avis sur l'efficacité de l'homéopathie. Pourquoi ?
Je pense sincèrement que je ne suis que sensible aux résultats. J'ai travaillé dans un hôpital homéopathique et j'étais ouvert à l'idée qu'il y avait des lois naturelles que nous ne connaissions pas. Je pense que l'homéopathie est efficace, mais pourquoi ? Après plusieurs année de recherche, je pense qu'on peut finir par conclure. Si ça marche, c'est grâce à une longue consultation empathique. C'est un puissant effet placebo .
Pourriez-vous encore changer d'avis ?
Si l'homéopathie - suite à la découverte d'une nouvelle loi naturelle - devait un jour devenir acceptable et si les preuves cliniques montraient que mes conclusions actuelles montraient que j'ai tort, alors je changerais encore d'avis. Je pense que c'est une preuve d'intelligence de changer d'idées quand les preuves changent.
Interview de David Cohen
New Scientist du 20 août 2011
Edzard Ernst vient de prendre sa retraite du poste de premier (en date) professeur de médecine alternative à l'Université d'Exeter (UK). Il a commencé sa carrière dans un hôpital homéopathique à Münich.
Traduit (sans relecture...) par votre serviteur.