Je vous ai déjà parlé de Jeremy Rifkin et de son rêve hydrogénant ; il n'est d'ailleurs pas le seul et on trouve des articles claironnant la venue de l'économie-H jusque dans des revues sérieuses. Une fois de plus, on devine à la lecture des enthousiastes qu'on a affaire à une solution qui cherche un problème. En effet, en ce qui concerne l'approvisionnement en hydrocarbures, il n'y a pas péril en la demeure : les alertes à la fin des réserves sont très discutables (je les entends depuis plus de trente ans ! mais j'admets que ce n'est pas un argument), on parle de réserves prouvées, et à plus de 100$ le baril, les pétroliers vont certainement reprendre le chemin de l'exploration. Et puis il y a le gaz, et surtout le charbon, qui peut être converti assez facilement dans toutes la gamme des produits traditionnellement issus du pétrole (oui, y compris le carburant pour automobiles ; ce n'est pas par hasard que Sasol est Sud-Africain : le pays a du know-how, du charbon et souffrait d'embargo sur le pétrole durant les années d'apartheid). On peut raisonnablement compter sur quelques décennies au train prévisible (en gros jusqu'à 2100).
Mais j'ai bien précisé : approvisionnement. Le problème n'est pas là ! On finira par savoir qu'il est dans le réchauffement climatique. Or là, on voit mal l'intérêt de l'hydrogène, car, sauf à aller le puiser directement dans le Soleil, on n'imagine pas bien comment le fabriquer sur Terre. Enfin si, ce n'est même pas sorcier, mais le hic, c'est que c'est énergivore ! Le produire à base d'hydrocarbures fossiles est absurde, puisque le sous-produit n'est autre que.. du CO2... Quant à le produire par électrolyse (électrique), le bilan global n'est pas fameux et de toute façon, seule l'électricité non thermique (dans le sens ingéniérie : gaz, charbon, fuel...) serait envisageable, évidemment ! Ce serait en fait un moyen de stocker le courant produit de manière intermittente, mais une fois de plus un moyen à faible rendement ; en effet, il faut soit le comprimer à 300 ou, mieux, 6-700 atmosphères (ce sont des chiffres qui n'ont rien de magique, mais qui correspondent à des technologies courantes), ce qui est énergivore et problématique , ou alors le liquéfier, ce qui est encore bien plus énergivore et nettement plus problématique.
Et pour ce qui est des voitures, là, c'est franchement pitoyable. Que les grandes marques d'automobiles fassent des démonstrations à grand fracas, normal, elles veulent convaincre qu'il existe des automobiles "propres", c'est à la mode, même si c'est un oxymore. Un réservoir permettant une autonomie de l'ordre de 300 km (pour une voiture équipée normalement) pèserait une demi-tonne (technologie "hydrogène comprimé") la cellule à combustible à peu près autant. Pour ce qui est de l'hydrogène liquéfié (attention ! ce n'est pas du LPG - il faut le maintenir à -255° !), la technologie est formidable (il faut empêcher les fuites, le mélange d'hydrogène et l'air étant éminemment explosif - j'en sais quelque chose - et puis un liquide à -255°, ça ne se manipule pas si facilement...), surtout pour un outil de la vie courante pouvant être mis entre toutes les mains. Quant au problème de distribution, n'en parlons même pas.
Les enthousiastes répondront qu'on fait de gros progrès dans les piles à combustible et dans le stockage sous forme d'hydrures ; c'est vrai, mais ces progrès sont lents à venir et le problème est tout simplement celui d'un ordre de grandeur. Une voiture moyenne (8 l/km) consomme environ 1kWh/km, et il faut environ 10 grammes de H2 par kWh, soit 110 litres à température et pression standard (eh oui, l'hydrogène est l'élément le plus léger de l'univers...) en comptant un rendement "normal" pour la pile à combustible. Autrement dit : 1 kg de H2 aux cent. Pour donner une idée, il faudrait quelque chose comme un million d'éoliennes pour produire par électrolyse l'hydrogène nécessaire à faire rouler toutes les voitures en France (600TWh) - et ce sans compter les pertes dues au transport, à la distribution, au stockage, etc.
Enfin, et je suis étonné de ne l'avoir jamais entendu mentionner (car je suis certain que beaucoup d'autres y ont pensé) , on ne sait rien sur les effets à moyen et long terme de l'hydrogène qui - c'est inévitable - se répandrait dans l'atmosphère d'une civilisation-H2. Je rappelle que l'hydrogène est tout de même un élément assez réactif.
Et on parle du principe de précaution ???