Jolie photo, avec - c'est inévitable - a star-spangled banner. Voir l'article du NYT.
"Je veux qu'on se passe des moteurs à combustion interne", dit un protestataire.
"Je veux créer des pièces de théâtre", dit un autre.
"Je veux abolir la Fed", dit un troisième.
"Même si la fin du Monde devait arriver demain, je planterais tout de même un arbre aujourd'hui", dit encore un autre.
Et, bien sûr "Money is Obsolete" et "Revenons à une économie du troc".
Les homologues à Londres ne font pas non plus dans le violent, c'est aussi chez eux la dentelle qui s'abolit. Leurs mots d'ordre sont
délicieux :
1) Racism, as well as ageism, homophobia, sexism, transphobia, ableism or prejudice based on ethnicity, nationality, class, gender,
gender presentation, language ability, asylum status or religious affiliation is unacceptable and will be challenged.
2) Respect each other’s physical and emotional boundaries; always get explicit verbal consent before touching someone or crossing
boundaries.
3) Be aware of the space you take up and the positions and privileges you bring, including racial, class and gender privilege.
4) Avoid assuming the opinions and identifications of other participants.
5) Recognise that we try not to judge, put each other down or compete.
6) Be aware of the language you use in discussion and how you relate to others. Try to speak slowly and clearly and use uncomplicated
language.
7) The group endeavours as much as is feasible to ensure that meeting spaces are as accessible as possible to the widest range of
people.
8) Foster a spirit of mutual respect: listen to the wisdom everyone brings to the group.
9) Give each person the time and space to speak. In large groups, or for groups using facilitation, raise your hand to speak.
10) Respect the person; challenge their behaviour.
11) If someone violates these agreements a discussion or mediation process can happen, depending on the wishes of the person who was
violated. If a serious violation happens to the extent that someone feels unsafe, they can be asked to leave the space and/or speak with a person or process nominated by those present.
12) While ground rules are collective responsibility, everyone is also personally responsible for their own behaviour.
13) Occupy London is an alcohol- and drugs-free space.
Soit :
-Le racisme, comme l'âgeisme, l'homophobie, le sexisme, la transphobie (ça veut dire quoi, ça ?), le capacitéisme (ça veut dire quoi,
ça ?) ou tout préjugé basé sur l'ethnicité, la nationalité, la classe, le sexe, la représentation du sexe, la capacité de s'exprimer, le statut asilaire ou la religion sont inacceptables et
ne seront pas tolérés.
-Respectez les limites physiques et affectives des autres et exigez toujours un accord verbal explicite avant de toucher qui que ce
soit ou de transgresser les limites.
-Soyez conscient de l'espace que vous prenez et vos avis et prérogatives que vous portez avec vous, en ce compris les prérogatives de
race, de classe et de sexe.
-Evitez de deviner les opinions et identifications des autres participants.
-Admettez que nous n'essayons pas de juger, de condamner ou de nous mettre en compétition avec les autres.
-Soyez attentifs au langage que vous utilisez en discutant avec les autres et comment vous vous adressez avec eux. Essayez de parler
lentement et clairement et utilisez un langage simple.
-Le groupe essaye autant que possible que les espaces de parole soient accessibles à tous.
-Promouvez un esprit de respect mutuel: écoutez la sagesse que chacun apporte au groupe.
-Donnez à chacun le temps et l'espace pour parler, ou pour les groupes utilisant un facilitateur, levez la main pour avoir la
parole.
-Respectez les gens ; pas leur attitude.
-Si quelqu'un ne respecte pas ces attitudes, une discussion ou une médiation peut devoir arriver, selon le désir de la personne qui
s'estime avoir été offensée. Si une offense caractérisée doit avoir été effectuée au point qu'un membre s'estime offensé, cette personne peut être priée de quitter l'assemblée et/ou de parler à
une personne ou à un comité désigné par les membres [ambiguïté sur qui est "cette personné" : l'agressé ou l'agresseur ? Mais en anglais PC, il n'y a plus ni he ni she ni
it...].
-Bien que les règles de base sont de la responsabilité collective, chacun est personnellement responsable de sa propre conduite.
-Occupy London est un espace sans alcool et sans drogue.
Voilà. N'est-ce pas admirable ? D'ailleurs, d'après les témoins, "sans drogue" signifie également "sans tabac". Nos occupeurs sont
aussi soucieux de santé publique, on leur propose du bio.
J'ai une certaine expérience des débats, sauvages ou policés, mais une telle profusion d'interdits, de restrictions, de conseils en
tous genres ne permet tout simplement pas d'avoir la moindre discussion un tant soit peu sérieuse. A chaque mot qu'on désire prononcer, il faut se réciter la check-list interminable et
se demander si on la suit. Il faut d'abord la comprendre, ce qui n'est pas aisé : qu'est-ce par exemple que le "capacitéisme" (c'est ainsi que j'ai traduit le tout aussi obscur "ableism") ? Dans
les groupes de discussion policés, on élit (ou on désigne) un président de séance, mais ça, c'est intolérable pour nos cocos, qui empruntent l'abominable terme de "facilitateur" aux experts des
écoles de management. Dans les groupes sauvages, ce sont sans doute les plus bruyants et agressifs qui ont la réputation de l'emporter, mais qui a une connaissance un peu étendue de ces choses
sait bien qu'il n'en est rien - sauf à tomber sur un psychopathe, ce qui arrive. De même, à suivre même vaguement les préceptes énoncés on se condamne bien entendu à entrer dans un relativisme
absolu où toute opinion vaut toute autre, où peu importent la connaissance, la compréhension d'un sujet ni même la capacité d'en discuter (quelle horreur ! cela viole le premier principe
!).
Bref, il ne peut rien sortir de ce genre de crétinerie dont on n'imagine pas que des politiciens qu'on pouvait croire sérieux aient pu
lui accorder le moindre intérêt. Ou plus exactement, il faut craindre que la politique dans nos pays ait atteint un niveau si inquiétant qu'elle doive se ressourcer à des clowneries
pareilles.
"On veut tout, tout de suite", entendait-on jadis. "On ne veut rien, et jamais", semblent répondre nos lugubres
occupationnistes.