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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 19:15

Amoureux, artiste, savant fou ou extraterrestre, voilà ce qu'il faut être pour n'avoir pas entendu parler du fameux rapport Stern, ou Stern Review dans le texte. Ce excellent économiste a produit, à la demande personnelle de Gordon Brown (alors chancelier de l'Echiquier) un rapport où il explique froidement qu'en matière de réchauffement climatique, le BAU (business as usual) amènerait à une catastrophe épouvantable, alors qu'il suffirait de faire un (assez gros) effort de l'ordre d'un pourcent annuel du PIB mondial (ce PIB se montant à quelque chose comme 55.000 milliards de dollars en 2007, ce n'est pas rien). Entre ce prix - assez fort mais supportable - et l'apocalypse, qui pourrait hésiter ?

Une première remarque s'impose : ce rapport a été rédigé dans l'urgence et n'a pas été peer-reviewed. Ensuite, il s'inspire très évidemment des travaux de Nordhaus et al. qui ont développé un modèle informatisé DICE (Dynamic Integrated model of Climate and the Economy) ; ce modèle prend en compte de nombreuses données impliquées dans la lutte contre le réchauffement climatique et évalue le coût de chaque politique de gestion de climat qu'on lui soumet. Il est utile de noter que Nordhaus est un économiste (néo)classique, co-auteur du célèbrissime Economics de Paul Samuelson ; il a aussi écrit en 1972 un article avec James Tobin, Is Growth Obsolete ? Bref, un homme modéré, keynesien comme il est de bon ton de l'être actuellement, libéral et liberal (il n'y a qu'en France que "libéral" est une injure - pardon, c'est vrai, le mot "libéral" n'est pas usité, il n'y a qu'ultralibéral. Je reconnais que nous avons notre Hughes Le Paige qui déclarait récemment la position de la Commission européenne comme, vous l'avez deviné, ultralibérale. Quand on voit les piles de papier du JOUE publiant année après années des quantités hallucinantes de règlements, de décisions et de directives, depuis la gestion de la TVA jusqu'à la standardisation des fermetures-éclair, on se demande de quel ultralibéralisme il s'agit). Remarquons ensuite que Stern se place dans l'optique d'une évaluation coût/bénéfice qui est généralement rejetée par le noyau dur des environnementalistes, ceux qui ont une attitude presque mystique ou carrément idéologique, ce qui ne les empêche pas, par ailleurs de brandir le Stern Review comme preuve de ce qu'ils avancent.

Mais, là où Nordhaus fait jouer son modèle dans différents scénarios pour en étudier le coût et l'efficacité, Stern ne propose qu'une recette, et ce faisant, s'arrange pour que les coûts soient minorés et les dangers maximisés. En effet, chaque fois que les estimations donnent une fourchette du prix à payer par les générations futures, Stern choisit évidemment la somme la plus élevée, et n'hésite pas à l'arrondir vers le haut. D'autre part, comme toutes ces sommes s'additionnent, il est évident qu'on aboutit à un scénario worst-worst case. Chemin faisant, d'ailleurs, il revient avec la vieille rengaine des ouragans aux USA. Bref, une attitude ouvertement catastrophiste et assumée comme telle ; ainsi le BAU retenu implique de ne rien faire même pour combattre certaines conséquences inévitables d'un réchauffement tout aussi inévitable.

Cependant, ce qui a le plus retenu l'attention de nombreux économistes, c'est que Stern fixe un taux d'escompte quasiment nul pour évaluer les (possibles) dommages lointains. Autrement dit, dépenser un milliard aujourd'hui pour éviter des dégâts d'un milliard (hors inflation) dans 50, 100 ou 200 ans (il parle même à un moment de risques pouvant naître en 2800). Très peu d'économistes (mais de nombreux philosophes) peuvent accepter que la richesse générale du monde ne puisse pas suivre l'évolution moyenne du 20e siècle (qui a connu tout de même trois catastrophes mémorables : 1929 et deux guerres mondiales), et dès lors, le choix - arbitraire - de Nordhaus, 5,5%/an, est compatible avec les données de fait. La position de Stern est qu'une telle escompte conduit à diminuer la valeur (morale, en quelque sorte) que nous accordons aux générations futures, ce qui rappelle le slogan gnan-gnan et fatigué, "nous empruntons la Terre à nos enfants"... Ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, de postuler une croissance de la richesse globale de 1,3%/an. En fait, Nordhaus montre bien qu'il est illusoire de vouloir faire fi du taux d'intérêt normal du marché si on veut - et on le veut ! - l'appui des industriels et plus généralement du monde réel, pas seulement des ONG de choc.

Il existe des critiques beaucoup plus virulentes du Stern Review, comme celle de Bjorn Lomborg, qui fait remarquer que 1% du PIB mondial, soit environ 500 milliards de dollars, représente pas loin de dix fois ce que les Nations-Unies estiment nécessaire pour fournir à tous les habitants de la planète les besoins de base (eau potable, soins médicaux de base, habitation saine et éducation de base). Ou celle de George Reisman, qui, en bon économiste de l'école d'Autriche, vitupère le Stern Review et son dirigisme étatique...

Bien, me direz-vous, mais quelles sont les conclusions de Nordhaus ?
Les scénarios calculés sont les suivants :
- BAU : 0 (par définition, c'est la baseline)
- Programme optimal (taxation du carbone à un taux croissant) : + 3
- Kyoto pérennisé : +1 (avec les USA) ou 0 (sans les USA)
- "Stern" : -15
- "Al Gore" : -21

Les chiffres sont en milliers de milliards de dollars (trillions en anglais), un chiffre positif signifie qu'on y gagne autant de trillions, un chiffre négatif, qu'on y perd autant de trillions.

Mais, cachottier, j'ai gardé le meilleur pour la fin. Il existe un autre scénario possible, celui que Nordhaus appelle low-cost backstop, c'est-à-dire un changement de paradigme, un après-carbone, et bon marché. Géothermique, solaire, éolien, séquestration des GES, peu importe ; il donne même comme exemples (hypothétique) des arbres modifiés génétiquements pour stocker du carbone. En bref un cocktail d'idées ou un produit de brain-storming.

- Low-cost backstop : +17...

Evidemment, ce n'est qu'un modèle, ce n'est pas la vérité révélée, mais c'est un modèle "robuste".

Précisons que le modèle "optimal" envisage de taxer le carbone à 42 $/tonne (coût esimé de son externalité) dès 2007, pour arriver à 95 $ en 2050 et 207 $ en 2100 (quand Stern préconise une taxation immédiate de 350 $, autant dit autant fermer les usines tout de suite - ou, plus exactement, autant s'attendre à ce que personne ne souscrive à son plan). Une fois de plus, on se débarrasse des externalités.

Ses conclusions sont claires et assez simples, mais l'une d'entre elles me semble devoir retenir l'attention de chacun :


Whether someone is serious about tackling the global-warming problem can be readily gauged by listening to what he or she says about the carbon price. (...) To a first approximation, raising the price of carbon is a necessary and sufficient step for tackling global warming. The rest is at best rhetoric and may actually be harmful in inducing economic inefficiencies.

P.S. Un très intéressant (comme d'habitude) post d'Optimum sur le sujet

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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 07:00

Chaque année, des tempêtes, ouragans, cyclones, typhons (la dénomination change avec le type et la localisation du phénomène) abordent les côtes et provoquent dégâts et victimes ; on se souvient peut-être (mais sans doute pas...) du cyclone Bhola qui, en 1970 a provoqué la mort d'un demi-million d'habitants de ce qui est aujourd'hui le Bengladesh. Mais depuis quelques années, on s'intéresse presque exclusivement aux ouragans (hurricanes) frappant la côte Sud-Est des USA après avoir ravagé les Antilles. Ce n'est d'ailleurs pas dû exclusivement ni même principalement à Katrina, même si celle-ci a fait l'objet d'une attention médiatique soutenue. Les ouragans se sont invités aux nouvelles vers la fin des années '80 dans la foulée des discussions concernant le réchauffement climatique anthropogénique, à la faveur d'un modèle climatologique développé essentiellement par Kerry Emanuel en se basant sur celui de James Hansen de la NASA. En gros, le modèle d'Emanuel considérait la force de l'ouragan comme directement corrélée à la température en surface de l'océan , et dès lors que cette force allait augmenter à mesure que le réchauffement climatique (anthropogénique ou non) allait faire augmenter les températures des océans.

Les ouragans de l'Atlantique nord allaient donc bientôt faire vendre de l'information et les journalistes se mirent à conter leurs méfaits avec un plaisir dissimulé par une mine grave ou contrite. On ne pouvait plus ignorer les morts, les inondations, les glissements de terrain provoqués par chacun de ces Andrew, Wilma ou Ivan, et de la même manière que la vague de chaleur de 1988 avait été bien imprudemment citée par Hansen pour convaincre le monde politique de la réalité du réchauffement climatique, on vit les journalistes s'emparer de n'importe quel phénomène météorologique sortant le moins du monde de l'ordinaire pour le monter en épingle et parler d'"aberration climatique" -  incriminant le fameux RC dont tout le monde parle et dont chacun excipe pour sommer son voisin de changer son mode de vie. Et j'entendais tout récemment un journaliste utiliser cette même expression (aberration climatique) pour qualifier à la fois Gustav ("The mother of all hurricanes") et la fonte des glaces boréales.

Le maire de New Orleans a décrété l'évacuation totale (avait-il tort ? Scientifiquement, sans doute, mais politiquement, probablement pas), quasiment deux millions de personnes se sont retrouvées dans des embouteillages gigantesques, Gustav s'est révélé être un petit ouragan quelconque simplement gonflé par les habituels rigolos de l'information.

Mais ne vous en faites pas : la saison des ouragans est encore ouverte, et vous entendrez encore les mêmes alarmismes s'exprimer, puis ce sera l'année prochaine, etc. etc.

Evidemment, ça permet des images bien impressionnantes, et le choc des photos est toujours plus important que le poids des mots ; peu importe que Galveston ait été dévastée par l'ouragan de 1900 (une dizaine de milliers de morts, largement plus que Katrina), Katrina reste "l'ouragan ayant causé les plus graves dégâts" - en milliards de dollars (environ 80). Certes, mais cette somme élevée provient tout d'abord de l'effondrement des digues et des inondations "collatérales" (une quantité énorme d'habitations étant en zone de polders), et l'urban sprawl presque criminel en zones inondables. Construire sa maison sur les pentes d'un volcan n'est pas nécessairement faire preuve de prudence.

Il me semble utile de se référer au Consensus Statements by International Workshop on Tropical Cyclones-VI (IWTC-VI) Participants (San Jose, Costa Rica, novembre 2006)


1. Though there is evidence both for and against the existence of a detectable anthropogenic signal in
the tropical cyclone climate record to date, no firm conclusion can be made on this point.
2. No individual tropical cyclone can be directly attributed to climate change.
3. The recent increase in societal impact from tropical cyclones has largely been caused by rising
concentrations of population and infrastructure in coastal regions.

[...]


(le texte complet vaut le détour, mais je me limite à trois points qu'on pourra utilement faire parvenir aux journalistes qui se verraient bien dans la peau de Cassandre).

Un dernier mot : il semble bien que la force des ouragans dépende non pas directement de la température de surface de l'océan, mais de la différence de température entre la mer et la tropopause ( voir l'article de Knutson et al. - voir aussi cet article : "We find that, even though tropical Atlantic sea surface temperatures are currently at a historical high, Atlantic potential intensity probably peaked in the 1930s and 1950s, and recent values are near the historical average").

Il faut cependant remarquer que la fiabilité des modèles climatologiques est de plus en plus remise en doute, et ce par les modélisateurs eux-mêmes, qui deviennent de plus en plus exigeants à mesure que leurs résultats font l'objet d'intenses controverses. Mais pour l'instant, c'est ce que nous avons de mieux, et une des priorités de la lutte contre le RC devrait être de mettre bien plus de moyens à la disposition des chercheurs.

P.S. 2008 s'est terminée par un nombre très faible d'ouragans même si les journalistes nous ont servi durant des semaines les catastrophes en Haïti, certes dramatiques, mais d'une régularité métronomique.
P.P.S. Idem pour 2009, au point que quelqu'un m'a dit que c'était suspect, et sans doute la preuve d'une autre aberration climatique... On perd à tous les coups.

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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 22:14

Vous l'avez certainement lu dans la presse ou entendu à la radio : les éoliennes sont fatales aux chauves-souris ! On savait déjà que les oiseaux pouvaient ramasser un coup de pale par-ci par-là, mais en ce qui concerne les chauves-souris, on était perplexe ; eh bien, une équipe de chercheurs canadiens a étudié le phénomène et leur opinion est que les adorables petits mammifères à ailes membraneuses sont en majorité victimes d'un barotraumatisme, autrement dit que la brusque dépression accompagnant la pale leur saccage les poumons.

Ne croyez tout de même pas que je vais sauter sur l'occasion pour trucider une fois de plus les moulins à vent ; j'ai assez d'honnêteté intellectuelle (morale, je ne dis pas - ça reste entre moi et moi) pour reconnaître que ce défaut supplémentaire ne vaut pas condamnation définitive. Après tout, les avions font grande consommation de volatiles en tous genres (il court le bruit qu'on teste les réacteurs en leur envoyant un poulet - non congelé - dans les ailettes pour voir s'ils tiennent le coup. J'ignore si c'est vrai, mais ce qui l'est, c'est qu'un envoie d'autres poulets sur le pare-brise pour tester sa résistance au choc de volatile), et on ne va pas les interdire pour autant.

Non, mais enfin, il faut le savoir.

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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 07:00

Tant que j'y suis, j'aimerais apporter un bémol et un dièze à la critique dans mon post précédent. Le bémol, c'est p.242 "Food Miles", où les auteurs relativisent fortement (mais à mon avis, pas encore assez) les achats de produits exotiques ou produits à l'étranger. Eh oui, aussi curieux que ça puisse paraître, les tomates élevées en serre en Hollande produisent plus de CO2 que les tomates importées d'Espagne, transports compris... De même, ils citent une étude (certes Néo-Zélandaise, mais passons) montrant que la viande d'agneau produite en NZ et importée en Europe présente un bilan largement positif par rapport à la viande d'agneau produite en Europe (ne le dites pas à Bové, il en perdrait ses moustaches). Encore les auteurs ne comptabilisent-ils pas les trajets du magasin au domicile.

Le dièze est tout de même plus problématique. En effet, nous trouvons p.200 un morceau de choix que je me vois dans l'obligation de citer in extenso :

"The good news is that the Chinese government is at least as aware as any other country of the dangers of global warming. Unlike most other governments, fully two-thirds of the members of its politburo are highly qualified scientists and engineers. These are people who fully understand the climate problems."

Je dirai à mon tour, the bad news is that China is a dictatorship and the members of the politburo are first and foremost a bunch of yes-men who owe their high functions to politicking. Il est déjà assez risible de s'imaginer que des ingénieurs et des scientifiques sont ipso facto mieux qualifiés pour comprendre les problèmes ; on pourrait dire que des économistes ou des juristes feraient mieux l'affaire, et comme par hasard, c'est dans ces branches que se recrutent la majorité de nos politiciens. Peu importe, l'essentiel est que les auteurs de notre livre montrent ainsi un tout petit coin de leur pensée - ou de leur inconscient :

- une bonne dictature, avec des bons dictateurs qui comprennent les problèmes et qui font ce qu'il faut pour les résoudre, au fond, ce ne serait pas si mal... Dans le temps, on appelait ça le despotisme éclairé, et les tenants de la deep ecology y souscrivent volontiers.

Or, ce n'est pas comme ça qu'on gagnera les coeurs et les cerveaux du bon peuple (après tout, nous sommes en démocratie, non ?). Si vous voulez introduire le changement, ce doit être fait par le peuple, pour le peuple.

Et si ce mot de "peuple" vous fait peur, il vous est parfaitement loisible de le remplacer par "les gens".

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20 août 2008 3 20 /08 /août /2008 07:00

C'est un livre de G. Walker et D. King avec l'inévitable ours polaire sur la couverture, ce qui n'augure rien de bon, mais enfin il avait une bonne critique dans le New Scientist, et puis j'aimais bien son sous-titre "How to Tackle Global Warming And Still Keep the Lights On". Deuxième bémol, après les ours, la citation d'Al Gore : "In a world full of misinformation, The Hot Topic is a beacon of clarity", et c'est vrai qu'en ce qui concerne la misinformation, Al Gore en connaît un bout...

Hélas, la lecture de ce petit opus confirme les doutes que fait naître la couverture. Bien sûr, c'est un ouvrage grand public, et on peut à la rigueur comprendre que toute la problématique soit exposée avec une assurance sans faille ; plus gênant, les auteurs appellent à la rescousse Katrina, les ouragans et la vague de chaleur de 2003, tout en admettant un peu à contre-coeur qu'ils ne prouvent rien. De même, on ne fait appel qu'aux morts de chaud et pas aux morts de froid (quelques lignes y sont tout de même consacrées en appendice), et si certains modèles (et il faut diantrement se méfier des modèles, mais c'est passé sous silence) prévoient plus de pluie en Asie, on parlera d'inondations... Tout changement ne peut être que mauvais, voilà la leçon.

A la page 99 (sur 255), on apprend enfin comment s'y prendre pour atteindre les objectifs désirés : ne pas dépasser une augmentation de 2° C (qui provoquera déjà toute une série de catastrophes détaillées à la page 90). Il s'agit tout bonnement de la méthodes des "coins" (wedges) de Socolow et Pacala, qui est à vrai dire la seule solution imaginable : plusieurs technologies sérieuses qui s'additionnent et qui se développent de manière linéaire sur les cinquante prochaines années, chaque "coin" croissant graduellement de 0 à 1 milliard de tonnes de carbone. C'est d'ailleurs devenu un jeu auquel certains s'adonnent sans retenue, et sans aucun réalisme. Malheureusement, les auteurs de notre livre ne semblent pas avoir compris que l'effet désiré doit se maintenir à niveau au terme des cinquante ans. Ainsi leur premier "coin" (diminuer d'un facteur deux la consommation d'essence des 2 milliards d'automobiles) est peut-être techniquement atteignable, mais dès que le but est atteint, on y reste. Par contre, "planter 300 millions d'hectares de forêt dans les tropiques est absurde, puisqu'une fois ces 300 Mha plantés, l'absorption de CO2 s'annule (une forêt à l'équilibre est au mieux neutre au carbone, au pire nocive au méthane). Et puis, on va les chercher où, ces centaines de millions d'hectares quand on sait qu'il faudra doubler la surface cultivée d'ici à 2050 ? Freeman Dyson remarquait en passant qu'on pourrait développer par génie génétique des arbres "dévoreurs de carbone" - et il ne fait quasiment aucun doute qu'il faudra, malgré les cris d'horreur de certains, passer par ce fameux génie génétique ("manipulations génétiques" pour ses adversaires). De même, les deux millions d'éoliennes d'1MW ne doivent pas être en back-up de centrales à charbon, quadrupler les centrales à gaz aux dépens des centrales à charbon est bien beau, mais quid des réserves de gaz ? Quant à multiplier par cinquante l'utilisation actuelle des agrocarburants, cela ne fait plus rire personne. Une phrase du livre résume un peu le tout : "However, none of these problems is insurmountable"...

Evidemment, le très gros problème avec la méthode des coins est qu'en y jouant on perd la notion de coût, et que cela devient vite du pur yaka. De même, il faut commencer un jour, mais les politiques ne s'y décident pas, et quatre ans se sont écoulés depuis la publication de l'article, quatre ans où rien ou presque n'a été fait.

Puis, pendant quelques pages (106 à 153), les auteurs brossent à gros traits les bricolages proposés, et ils ont au moins l'honnêteté de suggérer que la plupart ne valent pas grand'chose (tout en se montrant extrêmement volontaristes !), et laissent le problème des coûts presque entièrement de côté, pour le chapitre suivant qui reprend très honnêtement le rapport Stern et ses critiques, le Clean Development Mechanism et ses critiques, et un assortiment de mesures plus ou moins bien définies mais qui semblent fortement teintées de wishful thinking.

Une critique adressée au livre par le New Scientist était le refus de considérer la géo-ingéniérie (comme la diffusion volontaire d'aérosols dans l'atmosphère pour refroidir la planète). Je suis assez d'accord sur cette réserve, mais hélas, les auteurs se trahissent lorsqu'ils annoncent froidement : "The main reason...[is that it is] a quick fix that leaves us with our old bad habits intact" (c'est moi qui souligne). Voilà de nouveau la morale qui s'introduit ! Old bad habits...

Reste une grosse question, LA grosse question : quid des nouveaux arrivants, Chine, Inde etc. ? Onze pages y sont consacrées, et quand je dis consacrées, c'est un bien grand mot... En fait, tout est brossé sous le tapis, sauf encore quelques platitudes du genre "quand vous achetez un produit Made in China, c'est vous qui êtes responsable du carbone utilisé" ou "les Chinois peuvent bien dire que les USA sont hypocrites", ce qui ne résout en rien le problème que des centaines de millions de gens désirent améliorer grandement leur niveau de vie. C'est une faiblesse insondable de ce livre, et qui le disqualifie entièrement.

Enfin, quelques pages détaillent les "bonnes manières" habituelles (ne pas gaspiller, moins rouler en voiture, acheter un véhicule hybride, "compenser" les voyages en avion - sans aucune critique sur ces schémas de compensation, envers lesquels on peut nourrir un fort scepticisme...), la feel-good attitude, en somme. Et pour finir un appendice sous forme de questions (ou affirmations)/réponses, pas très intéressant et parfois carrément trompeur (on  reparle de la Chine pour répéter que si les pays développés s'engagent à réduire sérieusement leurs émissions, alors la Chine et tutti quanti, tout se résoudra - comment, on ne le dit pas, mais il faudra donc compter sur un miracle).

En bref, un livre très décevant. Lisez plutôt Lomborg.

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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 07:08

Entendu ce matin sur BFM le patron d'une firme de sacs en plastique "biodégradables" à base d'amidon de pomme de terre, qui vantait la supériorité écrasante de son produit sur toutes les alternatives. Bien sûr. A entendre mentionner les produits de ses rivaux, et notamment les plastiques oxo-recyclables, ou les plastiques à fragmentation, l'intéressé ne fit ni une ni deux et se couvrit du principe de précaution pour affirmer qu'on ne connaissait pas les implications à long terme de ces produits douteux et concurrents.

Holà, camarade, arrête un peu le discours ! It cuts both ways, tout de même ! A-t-on étudié suffisamment les effets à long terme des pommes de terre plastiques ? Après tout, les pdt sont légèrement toxiques ; est-on sûr qu'il n'y a pas de problèmes avec les résidus, d'autant que ce n'est pas uniquement de la fécule, il y a aussi des dérivés du pétrole qui entrent dans la fabrication de ce plastique... 

Moi, j'interdirais ces sacs (dont la fabrication consomme d'ailleurs énormément d'eau et d'énergie, et qui ne sont biodégradables rapidement que dans des conditions de température et d'humidité bien précises) tant qu'on n'a pas la preuve absolue et certaine qu'il n'y aura aucun dommage résultant de leur utilisation  jusqu'à - soyons réalistes, demandons l'impossible - deux ou trois générations.
Sans parler du fait que, comme les agrocarburants, ils transforment de la nourriture en produits chimiques (brrr....).

Tout ça parce que les autorités chinoises ont interdit les sacs plastiques dans les magasins, ce qui par parenthèse a entraîné la faillite d'un fabricant et la perte de 12.000 emplois. Quiconque a voyagé en Chine a été frappé par l'incroyable faculté de ces petits sacs plastiques de s'accrocher à chaque branche de chaque arbre de chaque champ et de chaque ville. Hallucinant.

Mais ne croyez pas que vous "sauvez la planète" parce que vous utilisez ces sacs en fécule...

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:00

(oui, je la remets, elle me fait marrer)

Donc, il paraît que la France est "en colère" (les journalistes adorent cette expression), ça se voit aux réactions musclées des pêcheurs, des routiers, des agriculteurs, bientôt des taxis et des piétons. Tout le monde râle : l'essence est hors de prix, le diesel, pareil, vous avez vu le prix des spaghetti et de la baguette ? Une honte !

Et puis, l'embrasseuse de Bovus se présente devant les Sénateurs l'oeil en berne et la queue entre les jambes : on n'a pas assez de quotas-CO2, sans doute que quelqu'un a mal fait les calculs, mais c'est bien embêtant, pasque vous savez Arcelor-Mittal et Georgia Pacific risquent d'aller ailleurs... Et le Sénat reste de marbre. Pas question d'introduire une taxe carbone par le biais d'EDF (manquerait plus que ça, avec de l'électricité en grande majorité d'origine nucléaire !). Quant à la gauche, elle est unanime à ne pas vouloir répercuter une "taxe carbone" sur les utilisateurs ; tiens, mais je croyais que cette gauche était favorable aux internalisations ? Pas dans ce cas, sans doute...

D'ailleurs, le Sénat critique "Bruxelles" : il faut taxer les émissions automobiles de CO2 selon la manière française, pas suivre le point de vue des Allemands. Et, ô divine surprise, chaque méthode favorise respectivement les modèles automobiles français et allemands !

Kyoto, c'est bien. On est tous pour. C'est-à-dire, on est tous pour que les autres l'appliquent. Nous, on a de bonnes raisons d'en être exemptés. C'est vrai que pour les pêcheurs, c'est un drame personnel - il y a déjà une prime au déchirage, il faudra trouver mieux, sans doute, mais on n'y échappera pas. Est-ce que Borloo et NKM poussent des cris d'horreur quand Avia achète 25 Airbus et Gulf Air, 35 ? On est toujours vertueux pour les autres, mais quand il faut, comme disent les Anglo-saxons put your money where your mouth is, alors, évidemment, plus personne, enfin si : des barrages routiers, des opérations escargot, des blocages de raffineries (ah ça, voilà qui va faire chuter le prix du diesel...). Et on ne voit pas beaucoup de monde de chez Greenpeace ou de militants écolos dans ces manifestations festives ; pourtant, ils auraient là un auditoire de choix pour faire valoir leurs thèses, non ?

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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 13:13

On finirait par douter... La perle du jour, c'est sur BFM, Hedwige Chevrillon interviewant un géologue et faisant la comparaison entre les autorités birmanes et chinoises face à ces deux catastrophes climatiques (pour mémoire, il s'agissait de tremblements de terre). Oui, climatiques, vous avez bien lu...Cela devient inquiétant. On finira par faire intervenir la couche d'ozone dans les accidents de la route. Ah non, pardon, ça n'intéresse plus personne, cette fameuse couche d'ozone...

P.S. Et ils remettent ça ! C'est quotidien !

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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 15:44

La cause est entendue : pas de centrales nucléaires, on ne sait pas que faire des déchets. La preuve, c'est que même le New Scientist, pourtant plutôt suspect de sympathies pro-nucléaires, l'affirme dans son dernier numéro.

On manque une fois de plus d'ordres de grandeur. En fait, une centrale nucléaire typique d'un GW (1 gigawatt, c'est 1.000 mégawatts, soit un million de kilowatts) produit environ de 20 à 30 tonnes de combustible "usé" par an, dont une petite partie (environ 3%) de déchets radioactifs "chauds".

Comparons maintenant avec une centrale à charbon de la même puissance. Elle consommera environ 4 millions de tonnes de charbon par an, et le charbon, ce n'est pas du carbone pur, loin de là ! De ces 4 millions de tonnes, on peut estimer qu'il restera quelque 300.000 tonnes de cendres, contenant environ 400 tonnes de métaux lourds toxiques, certains légèrement radioactifs (plomb, cadmium, uranium, thorium) qu'on mettra en décharge "ordinaire", sans le moindre souci. Et n'oublions pas le rejet de 10 millions de tonnes de CO2 en prime.

Amusant, non ?

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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 18:22

Il y a quelques jours, M. Magnette, Ministre belge en charge de l'énergie, tenait, si je ne m'abuse, des discours très ferme sur le nucléaire : pas question de revenir en arrière et de ne pas claquer la porte sur l'atome ! Na ! Maintenant qu'il a son maroquin fédéral, on l'entend murmurer qu'après tout... peut-être bien qu'il faudrait envisager de...

(A ce propos, et toujours dans mes petites piques contre certains journalistes, je vous signale que la Libre Belgique et la Dernière Heure ont sorti le même article sur le sujet, à la virgule près - mais avec des titres différents !)

Je voudrais tout de même savoir avec quoi ces zigotos d'anti-nucléaires vont faire de l'électricité, quand on pense qu'il faudra diminuer les rejets CO2 de 50 à 80 % dans les décennies toutes proches. D'après le rapport annuel du CREG, la consommation électrique totale de la Belgique a été de 87,5 TWh (p.m. 1 TWh = 1 milliard de kWh) pour 2006. De manière imagée, on pourrait dire que chaque Belge est branché en permanence au réseau et consomme 1.000 Watts. A titre de comparaison, la France consomme quelque 500 TWh/an, voilà qui fixe les ordres de grandeur, car c'est de cela qu'il s'agit. Selon les chiffres d'Electrabel, le principal fournisseur, 34 % viennent du nucléaire, 45 % du thermique et... 0,4 % de l'éolien (à noter que 12 % viennent de l'hydroélectricité, source excellente mais hélas non susceptible d'élargissement).

Supposons donc que nous nous passions du nucléaire ; bien entendu, impossible d'augmenter la part du fossile ! Essayons l'éolien : il faut donc disposer d'une puissance continue de 34% de 10 GW, soit 3,4 GW. Une grosse éolienne - quand elle tourne - peut fournir 2 à 3 MW. Le rendement de l'éolienne etant d'environ 25%, il faudrait donc quelque chose comme 7.000 éoliennes sur le territoire belge. Mais bien sûr, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, les moyennes sont une chose, les exigences de pointe en sont une autre, et Electrabel compte une disponibilité de 30 GW dont 21% de nucléaire - on double la mise, ça ferait une petite quinzaine de milliers d'éoliennes sur 30.000 km2. Avec, évidemment, le back-up obligatoire en centrales thermiques, car il arrive fréquemment qu'il y ait des vents de tempête sur la quasi-totalité du territoire, ou que le vent soit trop faible pour faire tourner les moulins.

La citation de la fin :
"Le développement de l'éolien est une excellente chose pour nous, car nos centrales à charbon seront sollicitées pour les périodes sans vent". Eric DYEVRE, Société Nationale d'Electricité et de Thermique, filiale de Charbonnages de France possédant des centrales thermiques à charbon (Bordeaux, le 24 avril 2003)



 

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