30 janvier 2008
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Comme on ne parle plus que de ça, je m'y mets aussi, non pour donner un avis personnel (je ne suis pas qualifié, mais non, mais non...) mais pour
signaler une bonne explication de ce qui se sait aujourd'hui, explication due à Alexandre Delaigue -
un des piliers de l'excellent blog des éconoclastes qui figure évidemment dans mon blogroll.
Je me permets de ne pas être de son avis en ce qui concerne la diminution des taux prise par Bernanke - maintenant qu'on croit savoir que c'est un "rogue trader" qui a amplifié la chute, on critique la mesure : ça s'appelle 20/20
hindsight ! Mais AD lui-même cite le post sur Alea qui montre bien le timing
du crash - ce n'est certes pas la SG qui l'a causé.
Quoi qu'il en soit, en ce qui me concerne, je n'achèterais pas de SG ; si elle se fait rafler, rien ne dit que son cours grimpera (plutôt le contraire) et de toutes façons, les
financières, même bon marché, ne me semblent pas fréquentables avant quelques mois, quand on connaîtra exactement les effets des subprimes.
Cela dit, la phrase de Napoléon est savoureuse : "il ne faut jamais expliquer par un complot ce qui s'explique fort bien par l'incompétence"... On pourrait multiplier les exemples...
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économie
16 janvier 2008
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Nous avions un ami en Algérie dont le métier me faisait rêver. Deux ou trois fois par semaine, ce fils de vigneron se levait à une heure tardive pour descendre à l'ONCV. Il goûtait le vin prêt à être expédié en France, le faisait rouler dans la bouche, l'appréciait, recevait quelques bouteilles des meilleurs crus et donnait son accord pour que le pinardier emplisse ses cales dudit nectar ( le top de ce que l'Algérie avait à offrir à l'époque) et l'envoie vers la France. Lorsque ledit pinardier arrivait à destination, il était testé par un autre expert, et s'il avait tourné, les assurances prenaient le relais. Ce n'a jamais été le cas, au moins tant que nous y étions. Et quelques semaines après, nous savourions en sa compagnie un vin qui n'était certes pas fait pour vieillir trop longtemps mais qui satisfaisait notre palais (bouf, comme on peut en aligner comme ça, des clichés..."gageons que l'ambiance n'était pas à la mélancolie..." etc.). Et il était (très bien) payé pour faire ça.
Cela pour dire que, contrairement à ce qu'en disent certains, il n'est évidemment pas vrai que le vin soit expédié en bouteilles sur de longues distances ! Le vin du Chili, d'Argentine ou d'Afrique du Sud nous est livré en pinardiers. "Quelle horreur !" disent les mêmes certains, "abstenez-vous de consommer de tels produits qui rôtissent notre planète !".
C'est vrai, je vais me contenter de boire du vin qui est élaboré dans ma petite terre d'héroïsme. J'ai d'ailleurs pris de bonnes résolutions pour 2008 et je vais donc obéir aux injonctions que nous servent à la louche toute une série de bonnes âmes. Par exemple, j'ai vu dans mon supermarché des fraises venant d'Egypte et j'ai résisté à la tentation. Il y avait aussi des ananas, du Ghana et du Costa Rica, et chacun était labelisé "Fair Trade" (devais-je en conclure que les autres, c'est de l'unfair trade ?). Dilemme cruel. Ah, voici le rayon café - non, plus de café, vous imaginez d'où ça vient ? Des milliers de kilomètres ? Plus une tasse ! Oui, mais du Max Havelaar ?... Re-dilemme. Pas de dilemme par contre pour l'agneau de Nouvelle Zélande, le poulet de Bresse, le porc ibérique, à peu près toutes les charcuteries et salaisons, et puis vous n'imaginez pas tout ce qui vient de Rungis. Le thé ? A la trappe ! La bière, ça va, mais que la belge, et de préférence pas brassée trop loin (Jupille, c'est pas la porte à côté). Ne parlons évidemment pas des fromages, et pour ce qui est du chocolat, autant en faire son deuil. Et, bien entendu, fermer immédiatement - et au besoin, interdire - les Magasins du Monde d'Oxfam. Vous imaginez, faire venir du miel d'Amérique centrale...
Pour les vêtements, c'est bien simple, je vais devoir devenir naturiste.
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économie
environnement
19 décembre 2007
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Expression qui fait mouche et
qui a été utilisée mille fois lors de la saga du TCE (je signale en passant que ce n'est pas par snobisme anglophile que je donne une référence en anglais - tout simplement,
il n'y a virtuellement rien à ce sujet sur wikipedia version française. Serait-ce parce que les pro et les anti se livrent à une guéguerre ?).
Et tout d'abord, qu'en est-il du dumping tout court ? Vaste question ou faux problème ? Pour Douglas
Irwin, en tous cas "l'accusation de dumping est surtout un moyen pour des entreprises peu efficaces d'obtenir le relâchement de la concurrence, de
façon systématique au détriment des consommateurs, mais aussi des autres producteurs" (il est vrai qu'il s'adresse spécifiquement aux lois anti-dumping américaines, mais on pourrait en dire
autant de celles de l'UE : quand les Chinois inondent l'Europe de textiles divers, c'est du dumping, mais quand Chantelle fait fabriquer ses sous-vêtements en Chine, c'est réglo).
La hantise du plombier polonais, c'est le
dumping social. C'est l'horrible, l'affreux Frits Bolkestein (que les Français, dans leur immense majorité, s'obstinent à appeler Bolkenstein, et qui est un Européen assez tiède, par ailleurs) qui s'agite.
Pour ma part, je regrette que la directive "Services" n'ait pas vraiment retenu le principe du pays d'origine, qui aurait permis justement cette fameuse "solidarité" dont on se gargarise à
longueur d'antenne. Ou alors, il fallait déclarer publiquement que la Bulgarie - disons - n'est pas un Etat de droit (raisonnement : je suis consommateur belge d'un service rendu par un
Bulgare selon le droit bulgare - et, plus qu'accessoirement, européen, puisqu'on sait que 60 à 70% des lois nationales sont des transpositions de droit européen. Si je ne suis pas satisfait
ou s'il y a litige, c'est devant les tribunaux bulgares que ça va se passer. Les associations de consommateurs n'apprécient pas : elles voudraient payer moins cher le Bulgare, mais garder les
avantages de la Loi belge, le beurre et l'argent du beurre. Mais le Bulgare, lui, se plaint maintenant qu'il devra connaître 27 législations différentes. Je suis du côté du Bulgare, bougre que
oui).
Et on en revient au plombier polonais, sauf qu'une directive de 1996 réglemente très précisément la matière et interdit les détachements de personnel à l'étranger avec des droits sociaux "au
rabais". Cette directive, encore faut-il évidemment qu'elle soit bien transposée en droit national - en témoigne l'affaire Laval, concernant un
litige entre une entreprise lettone et des syndicats suédois. On pourra trouver une version un peu plus lisible ici. Cette
directive 96/71 est très précise et très exigeante, mais elle se base sur la sacro-sainte réciprocité/non-discrimination : si la Suède n'impose pas de convention collective ni de salaire minimum
aux entreprises suédoises, elle ne peut le faire aux entreprises étrangères détachant du personnel en Suède. Voilà qui semble élémentaire.
Mais bien sûr, c'était dans l'intérêt des travailleurs lettons que les syndicats suédois ont conduit l'entreprise à la faillite. Vous avez dit solidarité ?
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économie
21 novembre 2007
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Vous vous souvenez du post sur le "trou de la couche d'ozone" ? Je vous y entretenais vers la fin de ces maudits HCFC qu'on avait utilisés en remplacement des CFC, et qui étaient très très mauvais pour l'effet de serre - l'un deux, le HFC-23, est environ 12.000 fois plus mauvais que le CO2... D'autre part, vous savez - ou vous ne savez pas - que le mécanisme de Kyoto permet ce qu'on appelle le Clean Development Mechanism (CDM) par lequel les pays industrialisés peuvent défalquer de leurs émissions de CO2 les investissements réalisés dans les pays non industrialisés aux fins d'y réduire les émissions de GES (gaz à effet de serre). Ce n'est peut-être pas très clair, mais je m'explique :
- l'usine Ventilo a reçu un droit d'émission de 5.000 tonnes CO2/an. Or, elle désirerait doubler ses capacités, mais n'obtient pas d'augmentation de son autorité régulatrice, disons la Région bruxelloise. Il lui faudrait donc acheter des droits d'émission qui tournent autour de 20 USD/tonne (rappelons que la Commission avait tablé sur une valeur de 40 EUR/tonne), soit 100.000 USD. C'est cher pour une petite entreprise, mais - quelle coïncidence ! - Ventilo fabrique des éoliennes ! Elle va donc installer des éoliennes au Burkina Faso et déduira de ses émissions celles que les éoliennes ont (théoriquement) permis de ne pas produire au Burkina Faso. Ce genre de projets intervient pour environ 170 mio de tonnes/an.
Les dirigeants de Ventilo auraient pu mieux faire : trouver une usine n'importe où dans un pays en développement, pour autant qu'elle rejette du HFC-23 (ça ne manque pas), installer un système de récupération du produit (en général facile et peu coûteux) et empocher les droits d'émission correspondants. Mais il faut dire qu'ils ne seraient pas les seuls ; en effet, près de 30% des projets concernent les réductions de HFC-23... Michael Wara de la Stanford University estime dans la revue Nature (sous forme de commentaire, pas d'un article peer-reviewed) que ces projets ont rapporté 12,7 mia USD (en droits d'émission) aux investisseurs qui ont dépensé 136 mio USD en technologie de récupération. Beau résultat, non ? Sur le plan financier, s'entend...
Une amusante (si j'ose dire) conséquence de ce genre de plaisanteries se déroule en Indonésie : pour diverses raisons sur lesquelles j'aimerais revenir un de ces jours, une gigantesque tourbière boisée située dans la province de Riau a été largement déboisée durant ces vingt dernières années. Et une tourbière à l'abandon, séchée, se décompose et libère de grandes quantités de CO2 et de méthane. Que faire ? C'est simple : recevoir des crédits carbone (droits d'émission) à mesure de ce que les compagnies qui détruisent les tourbières s'engagent à... moins les détruire ! Une des idées qui circule en prévision de Bali (où se discutera la "feuille de route" pour l'après-Kyoto) va dans le même sens : les pays en développement devraient recevoir des droits d'émission compensant leurs augmentations futures de GES.
Quelques chiffres pour (presque) terminer : Le total des GES (en équivalent CO2) pour l'année 2004 était de 49 mia de tonnes ; le total des droits d'émission pour 2006 était de 1,6. A titre de comparaison, cela correspond à environ la circulation annuelle de 300 millions d'automobiles - à peu près le parc des USA. On voit qu'on est loin du compte. Et encore, les Etats de l'UE ont alloué des droits bien trop élevés à leurs industries (enfin, celles qui passent sous Kyoto, car il y en a de mahousses qui ne sont pas concernées, comme le secteur des transports).
Tout cela pour dire que Kyoto, c'est vraiment pas terrible. Heureusement, ça se termine en 2012. On souhaite que le round suivant sera plus efficace, mais personnellement, j'en doute
Ah oui, la Région wallonne n'a plus de droits d'émission à donner à Ferblatil. 400 suppressions d'emploi.
11 septembre 2007
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Dans un post précédent, je faisais remarquer en
passant que la libéralisation de l'agriculture et ses effets était un sujet pour le moins controversé. Qu'une malsainte alliance puisse exister en l'occurrence entre la Banque
Mondiale et Oxfam prouve qu'il y a anguille sous roche.
Comme d'habitude, allons voir plus loin que cette tarte à la crème de Nord/Sud, nouvel avatar de l'Occident/Tiers Monde (le second monde étant conveniently
passé sous silence).
Pour ce qui est de l'agriculture, il serait ridicule de parler d'opposition pays développés/pays en développement ; l'appellation "pays développés" ne s'applique en
fait qu'aux USA, à l'UE et au Japon ; d'autre part il va de soi que les pays "en développement" doivent être distingués plus finement :
1- d'abord les pays "les
moins avancés" (PMA) au sens de l'ONU (à peu près toute l'Afrique sub-saharienne, l'Afghanistan, le Cambodge, Haïti, etc.). Ces pays sont
essentiellement importateurs nets
2- les pays "en développement" du groupe de Cairns (Argentine, Brésil, Chili, Indonésie... mais aussi Australie et Nouvelle Zélande !),
pays largement exportateurs
3- les inclassables comme l'Inde, la Chine, la Corée du Sud...
Ce n'est pas pour rien que ce sont justement les pays du Groupe de Cairns à avoir accroché la clochette de la libéralisation lors de la déclaration de Punta del Este (début de l'Uruguay Round) : ce sont eux qui auraient le plus à gagner... ce qui n'est nullement un reproche
Quelles sont les mesures protectionnistes existantes ? On en distingue traditionnellement trois :
a- les tarifs douaniers et/ou quotas à l'importation
b- les subsides aux agriculteurs
c- les subsides à l'exportation.
(je m'empresse de préciser que je ne dispose que de séries statistiques datant de 2005, donc se référant à des années précédentes ; d'autre part, je me contentera pour l'essentiel de traiter
de l'UE).
Premier point à remarquer : ces trois mesures protectionnistes abaissent les prix agricoles mondiaux (une étude estime qu'une libéralisation
complète ferait monter les prix agricoles d'environ 12%, dont à peu près la moitié serait due à la mesure a - la même étude indique par ailleurs que l'augmentation du commerce agricole mondial
augmenterait de près de 15% en valeur). Dès lors, les PMA peuvent acheter à meilleur compte. D'autre part, les prix agricoles internes à l'UE sont plus élevés que ceux du marché
international (mesure c, essentiellement) ; or, l'initiative "Tout sauf les Armes" (EBA) de l'UE permet aux pays les plus
pauvres des PMA (groupe 1) exportateurs (il y en a, mais peu nombreux) d'avoir accès au marché UE sans droits ni quotas. Ils ont donc tout intérêt à vendre à prix élevé les produits qu'ils
peuvent se procurer moins cher sur le marché mondial ! Et rien dans l'état actuel des choses ne les empêche de taxer, même lourdement, les intrants, éventuellement pour subsidier leur
propre agriculture ; mais les dirigeants africains ont préféré sacrifier leur agriculture pour favoriser leur clientèle urbaine. Que les prix mondiaux augmentent, et on verra la
casse...*
Bref, ceux qui sont impactés par les mesures b et c sont essentiellement les exportateurs des groupes 2 et 3, c'est-à-dire des pays qui sont loin d'être "pauvres".
En fait, la plupart des PMA seraient les dindons de la farce d'une telle libéralisation. Pourquoi, alors, la malsainte alliance ? En ce qui concerne la Banque mondiale, c'est sans doute le
credo libéral classique. De la part de Greenpeace, du CNCD, d'Oxfam, par contre, on est plus étonné. Leur anti-libéralisme viscéral aurait-il des lacunes ? Ignoreraient-ils
l'existence du mécanisme EBA ? Non, je pense que tout simplement est à l'oeuvre cet avatar de la "litanie" : tous les maux du Sud viennent du Nord - du Nord libéral et capitaliste, bien sûr,
productiviste pour employer leur mot favori.
* On l'a vu, avec les émeutes (urbaines) de la vie chère en 2008. Ce que justement craignent comme la peste les
dirigeants des PMA... Remarquons avec bien d'autres que les exportations des PMA sont rendues très difficiles sinon impossibles par l'absence de routes, la corruption généralisée et les
interminables formalités douanières (mais ceci vaut également pour certains pays du groupe de Cairns, comme l'Inde et le Brésil...).
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économie
17 août 2007
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"Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la
consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque
jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières
premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe.
A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains.
A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est
vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des productions de l'esprit Les oeuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme
nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle."
Non, ce n'est pas mon style, d'ailleurs. Mais j'ai tiré ça d'un petit opuscule que j'aime lire de temps en temps - il me rappelle le bon vieux
temps...
Certains lecteurs reconnaîtront tout de suite le texte, d'autres, l'auteur.
Eh oui, c'est bien K. Marx, le Manifeste communiste. 1847, et toutes ses dents !
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économie
8 août 2007
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Contemporain de la décolonisation, j'avais cru un peu naïvement à l'époque que tout allait changer, tout allait être bouleversé. Il ne faut pas oublier qu'à
l'époque la rhétorique Tiers-Mondiste (en fait, soviétique) avait encore du prestige et de l'attrait pour les jeunes - qui étaient virtuellement tous "progressistes" (être jeune et conservateur,
quelle tristesse ! et quel contresens darwinien !).
La déception fut grande. Sans parler des massacres épouvantables de la Partition de 1947 (c'était tout de même bien avant), on assista à la mise en place d'équipes prédatrices et parfaitement
incompétentes, généralement camouflées derrière une "expérience de marxisme scientifique" - généralement, mais pas toujours, et l'alignement sur l'Occident n'était certes pas une garantie
d'honnêteté !
Simplement, le penchant auto-flagellant des élites intellectuelles occidentales de l'époque leur faisait dénoncer tout allié corrompu comme une fripouille aux ordres de Washington, tandis que
les despotes du bloc opposé étaient parfois vus avec beaucoup de bienveillance (je me souviens d'un professeur de socio à l'ULB, très fier d'avoir reçu l'autobiographie de Kim Il Sung des mains de
son auteur et qui l'avait mise en bonne place dans sa bibliothèque. Je précise que cela se passait dans la deuxième moitié des années '70 !).
Cela dit, comme les Amerloques avaient plus de sous que les Popofs, on se mit à compter pas mal de défections, une fois encore accueillies avec des cris de rage par le mêmes intellectuels qui
avaient été bien peu sourcilleux sur les exactions précédentes. Ca semblera peut-être outré, mais je certifie qu'il fallut beaucoup de temps avant que certains reconnaissent que les Khmers Rouges y
avaient été un peu fort ; et d'ailleurs, Vergès se fait toujours le champion de ce négationnisme.
Mais je m'égare. Mon propos de ce jour est un message d'espoir pour les jeunes générations, un encouragement aux forces vives et fraîches de notre chère Europe. Oui, la vignette ci-dessus
représente évidemment l'Inde, pays que je connais un peu, et même un peu plus qu'un peu. Je dirai tout de suite que je n'ai pas eu le coup de bambou pour ce pays, comme tant d'autres l'ont eu et
ont tout lâché pour se précipiter dans un Ashram, aux ordres d'un gourou grassouillet et androgyne (il y en a beaucoup, de ces escrocs). J'étais un peu étonné au début de constater l'absence de
Coca Cola - étonné et dépité, car c'est un soda que j'aime beaucoup (moins cependant que le Pepsi mais incomparablement plus que le Thumbs Up, qui était alors l'ersatz monopoleur indien du Coca).
De même, les corn flakes locaux étaient inconnus de marque et dépourvus de croquant et de goût (et tant pis pour Orwell et ses "disgusting American cereals", j'aime ça et je n'en rougis point).
Mais ces points semblaient tellement minuscules face à un pays aussi misérable et complaisant dans la misère - oui, j'avais lu Naipaul, la bête noire du Monde Diplo, et je trouvais qu'il n'en avait
pas rajouté.
Cela étant, je ne me faisais pas trop d'illusions : ce n'était pas pour faire échec à l'impérialisme de la firme d'Atlanta qu'on abreuvait les Indiens de sodas substandards, ou qu'on mettait à leur
disposition des voitures, des peintures*, des machines-outils etc. de qualité au mieux médiocre. La plus grande démocratie du monde en était toujours à un "non-alignement" soviétophile et à un
protectionnisme inusable, lui, et ce plus de trente ans après son indépendance, alors que tout l'extrême Orient bouillonnait de cette idée toute simple, mais qui allait se révéler payante :
Messieurs les industriels, dans trois ans (ou deux, ou cinq, peu importe) on arrête le protectionnisme et on ouvre les frontières ; vous avez ce temps pour vous y préparer.
Oh, bien sûr, ce n'est pas aussi simple ; mais je reste convaincu que ce système non seulement a conduit à un enrichissement sans précédent d'une grande part de l'Asie, mais aussi à son évolution
relativement démocratique. Je ne crois pas au libéralisme dans la seule sphère de l'économie, même si c'est un sujet d'intenses discussions.
Bref, car ce billet menace d'être un peu longuet : enfin Manmohan Singh vint. Comme son nom l'indique, MS est Sikh, et lorsqu'il se trouva nommé Ministre des Finances, il appliqua un principe de
libéralisme tout simple, analogue à celui que j'ai cité plus haut. "Messieurs les industriels..." etc. Ca ne lui a pas valu que des amitiés en Inde, ou en plus les tensions communalistes étaient
toujours vives. Mais il faut voir le résultat, et il est étonnant. Evidemment, le pays a un avantage énorme : ses couches aisées sont anglophones (par ailleurs un anglais délicieux et légèrement
vieillot) ; il a par contre un point très noir : ses couches miséreuses sont très nombreuses et analphabètes. (Je ne parlerai pas ici du système des castes, on pourrait y revenir un jour.) Mais
voilà : le pays produit de nombreux ingénieurs très compétents, des artistes de premier plan, d'innombrables films d'un haut niveau de kitschitude, et la nouvelle bourgeoisie consommatrice
compte deux ou trois bonnes centaines de millions de gens très Indiens et plus du tout anti-occidentaux. On parle beaucoup de la Chine et de son potentiel, mais beaucoup moins de l'Inde. C'est
grand dommage, et je ne le dis certes pas par opposition à la Chine - pays envers lequel je me sens beaucoup d'affinités - mais parce que l'Inde est moins encombrée et donc plus prometteuse, tout
au moins à moyen terme.
C'est à vous que je m'adresse, jeunes bataillons assurant la relève de notre chère Europe ! Allez vers l'Est !
*peintures : ça peut sembler dérisoire, mais la "qualité" de la peinture murale extérieure des bâtiments à Bombay (pardon, Mumbai), à Delhi, à Madras (pardon, Chennai) etc. était telle que les
nombreux buildings des villes indiennes - spécialement ceux qui étaient exposés aux embruns - étaient dévorés de moisissures, de lichens et de grandes cloques accentuant leur aspect ruiniforme. Et
que dire des décharges (c'est le cas de le dire) courant sur les façades latérales et ayant libéré de bonnes parties de leur contenu ?...
Published by cdc
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économie
22 février 2007
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16:49
Notre fringante Commissaire, oui, celle qu'on avait
précédemment voulu clouer au pilori car c'était une businesswoman, Neelie Kroes donc - on
peut difficilement nier qu'elle soit indigne d'un de ses célèbres prédécesseurs ; mais en plus dure encore.
Il est vrai que depuis quelques années, les relations entre le Commissaire à la concurrence et le Commissaire aux entreprises étaient médiocres ; comment
concilier expansion et taille européenne avec un maintien de concurrence "libre et non faussée" ?
Ces bisbilles semblent enterrées, mais on a par contre déterré la hache de guerre contre les petits rigolos qui
s'entendent pour se partager les magots. Près d'un milliard d'euros d'amende, tudieu ! c'est pas rien ! L'article 81 dégouline de sang...
Le malin, là-dedans, c'est Kone, qui a craché le morceau et s'en tire avec la queue entre les pattes mais le portefeuille bien garni. Après tout, il a
bénéficié de l'entente et il ne paye pas d'amende ; eh oui, c'est la règle, mais si ce rôle de stoolpigeon n'a pas bonne presse en Europe (enfin, dans une partie de l'Europe), il n'en reste pas moins essentiel dans ce genre d'affaires (whistle-blowers diront d'ailleurs ceux qui en sont convaincus). Notez que le montant de l'amende ne peut
dépasser 10% du chiffre d'affaires consolidé ; il ne s'agit pas vraiment de punitive damages destinés à faire crouler une entreprise, ce serait ridicule.
Espérons que ça fera réfléchir certains... par exemple à Charleroi, mais je pourrais tout aussi bien dire Hemelindeput ou Trou-lez-Gruyères.
Tout cela est bien beau, mais on aimerait une fin moins abrupte ; Schindler, Otis et ThyssenKrupp vont contester l'amende, iront en Cour de
Justice, qui réduira et/ou redistribuera les amendes, puis ils payeront une belle somme qui ira directement dans le budget communautaire : une "victoire citoyenne", n'est-ce pas, Ségolène
?
Et ceux qui ont causé un trou d'un milliard dans la caisse, ils s'en tireront comment ? C'est pas des sous-fifres, ça on ne me le fera pas
croire ! Ce sont plus que probablement des gens qui ont pignon sur rue, stock-options et parachutes dorés. Disons plaqués or. Eh bien, il est temps de le faire fonctionner, ce parachute !
J'espère que le prochain CA sera houleux chez ces gens et qu'on va virer ceux qui ont fait perdre tant d'argent aux actionnaires !
Ici non plus, je ne retiens pas mon souffle...
Published by Phl
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économie
18 janvier 2007
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J'ai toujours beaucoup aimé la photo ; c'est dans la famille, depuis mon
grand père qui avait monté son labo amateur dans les années '80 (dix-huit cent, bien sûr) jusqu'à ma fille cadette dont c'est le métier. Et, au début des
années '80 (dix-neuf cent, évidemment) est apparue sur le marché amateur une machine merveilleuse, la Durst RCP-40, qui permettait enfin de faire des tirages
couleur en automatique : on déposait le papier insolé dans une boite étanche à la lumière et, presto ! il réapparaissait comme par miracle prêt à être rincé. Enfin, presto, c'est un peu exagéré, ça
prenait tout de même une dizaine de minutes, si j'ai bonne mémoire ; mais pour ceux qui venaient comme moi du système des cylindres tournants, c'était un réel progrès.
Donc, à moi les week-ends entiers en chambre noire, depuis le vendredi en fin d'après-midi jusqu'au dimanche au milieu de la nuit. Et, quoi qu'on puisse penser, on s'ennuie un peu dans une chambre
noire ; alors, on écoute la radio, et justement, dans ces années 80, je tombais souvent sur la même émission (non, je ne parle pas de "Idem" et de son Heure
Noire) :
- le vendredi, en début de soirée, les ministres des Finances européens débarquaient subrepticement au Charlemagne
- le samedi soir, ou parfois le dimanche, on annonçait sobrement les résultats : telle monnaie dévaluait d'autant, telle autre s'appréciait d'autant ; gémissements par ci, grommellements par-là,
quelques-uns se frottaient les mains
- le lundi matin, la presse commentait longuement et les politiques grinçaient des dents.
Pour les plus jeunes, je dirai que ça s'appelait "dévaluation compétitive". En fait, c'était le boxon.
Puis, un jour, Jacques Delors mit en chantier le marché unique et la monnaie unique (je fais court) ; ça semblait aller de soi pour ceux qui avaient l'esprit européen ! mais ça n'allait pas du tout
de soi, et si vous connaissez un membre du cabinet Delors, demandez-lui ce qu'il en pense...
Delors n'était pas un économiste, c'était un homme d'Etat ; aucun de ses deux projets n'avaient été bien accueillis par de nombreux économistes, et Milton Friedman avait bien ricané en pariant que
l'Euro mourrait en gestation - il n'en était pas à sa première bévue.
1/1/1999 : l'euro entre en scène, mais les dénominations nationales restent en circulation
1/1/2002 : les pièces et les billets arrivent... Je me souviens d'avoir été tirer mes premiers euros au Bancontact près de chez moi vers deux heures du matin !
A l'époque, quelque 60% des citoyens de la zone euro étaient "pour" ; aujourd'hui, ce taux est tombé sous la barre des 50%... Pas évidemment quand les gens voyagent, soit dans une grande partie de
l'Europe (plus de change !) ou même n'importe où dans le monde (on accepte les euros aussi bien que les dollars, plus besoin de faire un change intermédiaire ou de se contenter d'un taux ridicule
!). Non, tous les autres jours, parce qu'il faut bien accuser quelque chose ou quelqu'un.
Aucun économiste n'a pu montrer autrement que par des effets de manche que l'euro serait responsable de l'inflation (qui est contrôlée comme jamais) -
pardon, "de la vie chère" puisque c'est comme ça que ça se dit au peuple, hein, Mame Royal ? - ou d'un manque de compétitivité, ou du chômage, ou de la pollution des rivières et du retour des
castors. Il y a très peu de temps, le dollar avait filé sous les 1/1.33 et on entendit (surtout en France) de grands cris : il fallait ramener ce traître de Trichet à la raison - avant lui, on
voulait la peau de Duisenberg - et c'était scandaleux de laisser la bride sur le cou à ces irresponsables de la BCE qui n'étaient même pas élus ! On sait que ce genre d'argument abominablement
démagogique fleurit régulièrement ; on l'entend invoquer aussi par les ONG qui ont généralement les organismes internationaux en exécration, mais qui vous diront toujours en privé qu'après tout,
heureusement que les techniciens-bureaucrates ne doivent pas se faire réélire et peuvent donc se payer le luxe de ne pas être populaires...
Quand je vais à Madagascar, les porteurs me demandent des euros et la Banque centrale malgache s'est constitué une réserve non négligeable de notre monnaie ; à vrai dire, les banques centrales des
pays émergents stockent l'euro à concurrence d'environ 30% de leurs réserves. Pas si mal, non ?
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PS : hasard ou convergence, le blog des éconoclastes vient de sortir un article très intéressant sur le même sujet. Je vous en conseille vivement la lecture, et je
ne résiste pas au plaisir d'en publier un petit extrait afin d'aiguiser votre appétit...
"A cela s'ajoute un autre élément notable : l'euro est devenu la forme d'argent liquide favorite du monde, devant le dollar : l'équivalent de 800 milliards de dollars, au taux de change actuel, contre 759 milliards de dollars.
Cela provient en bonne part d'une très forte demande de billets de 500 euros. On jettera un voile pudique sur les activités économiques internationales qui nécessitent l'utilisation de grandes
quantités d'argent liquide, avec de préférence des billets d'un montant suffisant pour mettre le plus possible dans un attaché-case"
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5 janvier 2007
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11:46
Il paraît qu'un émission récente d'Arte portait sur les violences sociales en Chine, et le prière d'insérer comportait l'inévitable cliché : "les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres".
Je n'ai pas vu l'émission et je ne sais donc pas si elle était aussi nulle qu'il pouvait en paraître - après tout, ma maigre expérience d'Arte me donne à penser que cette chaîne bénéficie d'une
image quelque peu surfaite.
Bonne nouvelle : depuis une trentaine d'année, le nombre de très pauvres (1$ 1985/jour) et de pauvres (2$) a fortement diminué dans le monde, tant en nombre absolu qu'en pourcentage, l'Afrique noire
cruellement mise à part. Cela ne signifie pas nécessairement une diminution des inégalités, mais il faut s'entendre : les riches deviennent sans doute plus riches, mais les pauvres deviennent
moins pauvres, même si certains deviendraient moins pauvres moins vite que les riches deviennent plus riches, vous me suivez ? C'est l'autre
vieux cliché : l'écart se creuse. En l'occurrence, c'est un cliché qui ne correspond même pas à la réalité, quelle que soit la métrique (un peu sérieuse, tout de même) utilisée. Le capitalisme s'est toujours vanté - à raison - de produire de la richesse, jamais de l'équité et surtout pas de l'égalité. Si c'était le cas, nos
sociétés n'auraient pas eu besoin de services sociaux...
Je précise que les inégalités dont je parle sont les inégalités entre pays ; à l'intérieur des pays dits "du Nord", tout indique que
les inégalités augmentent. C'est une toute autre question qui mérite un autre type de réflexion.
P.S. Depuis, une étude de l'OCDE parue en octobre 2008 a donné la mesure de ces inégalités pour ses pays membres. Voir le post d'Hugues sur le sujet
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