C'était dans Le
Monde et dans toute la Presse belge, d'ailleurs, mais pas nécessairement avec le même titre, affreux cliché du genre avions cloués au sol. Passons.
En fait, ça venait du Guardian, bon bastion du Labour fréquentable, mais l'article de ce journal
était très différent de ses homologues continentaux *.
Reprenons l'article du Monde :
"En une petite journée, 67 000 suppressions d'emploi ont été annoncées entre les Etats-Unis et l'Europe" lit-on d'emblée. Mais plus loin, on s'aperçoit qu'il s'agit de firmes US et UE qui vont
licencier dans le monde (Caterpillar, Pfizer, Sprint, ING, Philips, Corus...).
Premier point : le titre est faux. On sait bien que les annonces de suppression de postes sont une entrée en matière pour négocier avec les syndicats, et Caterpillar n'est pas
Wal Mart.
Deuxièmement : il n'y a évidemment pas 67.000 lettres de licenciement qui sont parties lundi ; il va y avoir des
plans sociaux, des ajustements, le tout dans les semaines et les mois qui viennent, et le chiffre va certainement évoluer - éventuellement à la hausse, mais j'en serais étonné.
Troisièmement : on estime à 10.000 la destructions d'emplois quotidienne en France (voir Cahuc et Zylberberg) ; simplement, il
s'en crée autant en moyenne - voir Schumpeter qui avait eu l'intuition de ce phénomène de "destruction créatrice" dès 1934. Il se fait que plusieurs très grosses sociétés mondiales ont annoncé
ces ajustements le même jour, peut-être par hasard, peut-être pas, ce qui a permis de faire marcher le signal d'alarme des gémissements, comme à l'heure de la cloche à Wall Street.Mais
ce même lundi, il y a sans doute eu de très nombreuses faillites dans le monde, faillites anonymes et pas médiatisées, et il y a eu de nombreuses créations d'entreprises - sans doute un peu
moins, après tout, il n'est pas question de nier l'existence d'une récession qui s'étend. Mais il est question de s'étonner d'un tel unanimisme pour ne publier que les prévisions les plus
catastrophistes et de ne pas souligner quelques paradoxes : assurément, la Belgique commence sa récession, mais l'année 2008 a été une année record en termes d'immatriculations de voitures
neuves, les achats de fin d'année et de soldes de janvier ont été très satisfaisants tout comme a été considérable la fréquentation du Salon de l'Auto.
Mais voilà, j'ai connu ces époques où la Bourse réagissait systématiquement de la même manière à n'importe quelle nouvelle, bonne ou mauvaise ; quand elle voit la vie en rose, les
licenciements augurent d'une baisse des charges et d'une baisse des salaires. Quand elle broie du noir, les licenciements sont la preuve que tout va mal. Maintenant, les journalistes suivent le
même chemin. L'air du temps, sans doute...
* Bien que son titre soit encore plus trompeur : Global recession costs 80,000 jobs a day