Peu importe le jugement sur "la retraite à 62 ans" et ce que ça signifie exactement, il va de soi que l'évolution démographique exigera une modification du système, en France comme ailleurs. On trouvera un excellent résumé sur différents leviers chez Ecopublix, et on acceptera avec Piketty que l'existence de dizaines de régimes de retraite n'est pas vraiment une bonne chose, encore qu'on puisse ne pas être d'accord avec lui sur l'existence d'un plan diabolique de passage à la capitalisation, et en souhaitant bonne chance aux politiques qui se mouilleront la chemise pour mettre son excellente idée en pratique... Touche pas à mon régime de retraite ! sera la réponse immédiate.
Ce qui m'amuse est l'étonnement angoissé de la Presse face aux étudiants et aux lycéens qui, inexplicablement, se joignent aux manifs. On se demande vraiment ce qui se passe... Vous imaginez, des lycéens et des étudiants qui manifestent ? Du jamais vu ! Et, évidemment, on ressert le CPE.
Amusant aussi le discours de Ségolène Royal invitant les lycéens à descendre dans la rue (pacifiquement, bien sûr), puis après s'être fait étriller, démentir avec cet air de sucer un citron qui lui est coutumier avoir jamais fait telle déclaration (je l'ai vue 3 fois, dont une après son démenti).
J'ai vu aussi un débat où un jeune homme d'environ seize ans se colletait avec le membre de service du MEDEF, les yeux et la bouche suintant la haine, oui, vraiment la haine. Sa connaissance des dossiers ainsi que du monde du travail était évidemment nulle, mais son interlocuteur n'était pas vraiment un tribun...
Plus généralement il n'est même pas nécessaire de se poser des questions sur le degré de pertinence de ces mouvements en l'occurrence - la vague idée que des fils de bourgeois (je n'ai pas vu beaucoup de manifs de lycées techniques, mais après tout il y en a peut-être) peuvent avoir à 15 ans sur ce qu'est la retraite qu'ils prendront dans une cinquantaine d'années au travers d'une législation qu'ils ne comprennent pas, ni personne d'autre d'ailleurs - simplement, comme toujours, c'est un tel plaisir de sécher les cours quand il fait beau, de se retrouver entre copains ivres de la puissance auto-conférée ("Sarko, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue !"), la référence à l'inusable '68 et à l'inévitable Révolution, et puis, comme le chantait à tue-tête un jeune homme ma foi bien mis et avec une mine sympathique : "On va tout casser, on va tout casser !". Sans compter la Presse qui les met au pinnacle.
Et pourtant, à chaque interview de syndicaliste (*) (sauf les gens de SUD, évidemment), je n'entends qu'une chose : il faut négocier, c'est pas comme ça qu'il fallait faire, on nous impose un texte sans concertation, où est passée la démocratie participative ?
Voilà qui me semble évident, tout comme il est clair que ces grèves et manifestations sont un rejet général et viscéral de la politique de Trublion Ier. Et aussi d'un système où l'entrée au travail est de plus en plus tardif, où le chômage des jeunes est effrayant à juste dire ; mais ce n'est pas là le mot d'ordre de ces manifs... qui serait plutôt "travail = esclavage", "non à 45 ans de souffrances", etc.
Attendons samedi, on a encore de l'amusement en perspective...
(*) et de plusieurs membres du PS dont François Hollande qui m'a surpris par une attitude de "vieux sage" que je ne lui connaissais pas auparavant
P.S. Un très joli post d'Hugues qui revient une fois encore sur la tarte à la crème de la "société à deux vitesses"... À lire sans faute, mais évidemment out le monde sait bien que Hugues Serraf est un affreux réactionnaire stipendié par le Grand Capital (avec des Capitales !).