Et donc il a livré après ce qui aurait pu être son chant du cygne (j'ajouterais le champ du signe si j'étais lacanien) un très beau film froid comme une épure - même s'il on y rit un peu. 'Comme le dit Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, à l’annonce de la mort du cinéaste le 2 mars dernier : "Ce n’est pas tant qu’Alain Resnais est mort, c’est qu’il n’y aura plus de film d’Alain Resnais"', c'est dans la critique ici : http://www.avoir-alire.com/aimer-boire-et-chanter-la-critique-de-l-ultime-film-d-alain-resnais.
Aimer, boire et chanter est un testament, c'est sûr, à se demander même si Resnais ne s'est pas suicidé pour faire culminer son enterrement avec la sortie du film, ultime pirouette coïncidant parfaitement avec l'image de l'ange de la mort déposé par Tilly (à peine entrevue mais dont on parle beaucoup) sur le cercueil de George (dont on parle encore plus mais qu'on ne voit jamais).
On sait bien que Resnais à ses débuts était plutôt pointu, du genre Art et essai, sans atteindre les altitudes Straub-Huillet (dieu merci ; j'avoue que les films de ces appréciables auteurs m'emm... assez), et puis il s'est orienté vers une veine très riche, celle du mélo et du roman de gare louchant toujours vers la mort. Aimer, boire et chanter reprend pour une dernière fois cette veine, un Strauss mélancolique comme toujours ("c'est notre raison d'exister"), et dans le film on aime beaucoup, on boit pas mal mais on ne chante pas, sauf à la fête d'anniversaire de Tilly... En fait, la valse de Strauss s'intitule plutôt le vin, la femme et la chanson, et continue par et tout cela pour la vie entière... Mais on peut s'en remettre à Resnais pour avoir choisi une version plus noire.
Cela dit, on ne peut s'empêcher de mettre en parallèle le film de Resnais avec celui de Polanski, la Venus à la fourrure : dans les deux cas, il s'agit d'un film d'une pièce de théâtre parlant d'une pièce de théâtre, même si chez Resnais, la deuxième mise en abîme n'est que référence à une (troisième) pièce de théâtre particulièrement nulle (les références à des silences permettant des rires pour des répliques censément drôles n'étant rien que lamentables). Et donc, Resnais sème les répliques permettant de s'y retrouver, on peut se demander si toutes les scènes que nous voyons avec des praticables théâtraux, des décors misérables et des vignettes dessinées ne sont pas finalement la même troisième mise en abîme ? Et donc, l'Ange de la mort y échapperait-il, avec Tilly (la voix off elle aussi ?).
Mystère toujours avec notre admirable Resnais, qui nous sème des graines, qui nous étourdit, qui nous mène vers des doutes et des questionnements, Petits Poucets que nous sommes...