La catastrophe ferroviaire de Buizingen a évidemment concentré tous les commentaires de la Presse, tant écrite que
parlée, accumulant - comme toujours - le bavardage moralisateur de commentateurs ignares et les accusations pleuvant de partout. Le lendemain, les cheminots se sont mis en grève et le
surlendemain aussi - "opérations escargot" et déclarations de maladie à l'appui.
C'est assez ignoble. Une petite vingtaine de morts, des dizaines de blessés, dont certains poly-amputés, et voici une grève des cheminots par-dessus le marché, c'est chouette le service public,
non ? Il faut dire que les cheminots ont été furieux de lire ou d'entendre que l'un d'entre eux aurait brûlé un feu rouge, et, de fait, il faut attendre les conclusions de l'enquête avant de
lancer une aussi grave accusation, même si elle est vraisemblable, même si elle est probable, même si ce genre d'incidents n'est pas tellement rare et était à l'origine de la catastrophe de
Pécrot. "Certains journalistes ont incriminé l'un des nôtres, camarades, on va punir ceux et celles qui les lisent !", admirable slogan aussitôt mis à l'oeuvre.
Bien entendu, la grande responsable de tout, y compris des catastrophes et des pneus crevés, c'est la libéralisation ! Et puis aussi, les lenteurs de la Commission à édicter des règles
communautaires, lenteur dues en grande partie à la volonté des Etats-membres à conserver leur prérogatives, c'est-à-dire à ne pas libéraliser, mais passons. La scission de la
SNCB est aussi pointée du doigt par les partisans du bon vieil Etatisme centralisateur : comment voulez-vous combattre sur trois fronts, comment voulez-vous établir une harmonie à trois sociétés
indépendantes ? Il faut croire que les tenants de cette thèse n'ont pas une connaissance adéquate des luttes acharnées qui sont livrées chaque jour dans les grandes (et moins grandes) sociétés
privées ou publiques. Chaque DG, voire chaque Direction est un Royaume combattant, point même n'est besoin d'y aller voir, C. Northcote Parkinson en ayant expliqué les raisons il y a de nombreuses années déjà. J'ai été voir. Je confirme.
Et puis, la libéralisation, ça ne marche pas ! proclame notre éminence verte, Isabelle Durant. Je reconnais avoir des doutes aussi en ce qui concerne certains marchés, comme celui de
l'électricité. Et la scission, quelle erreur ! Durant est contre (avec Damilot, ils vont d'ailleurs main dans la main). Quand on lui objecte, par exemple, la Suède, ils répondent "Ah oui, mais la
Suède, c'est le Nord ! Tout à fait différent de la Belgique !". Et l'Italie ? "Ah oui, mais l'Italie, c'est le Sud ! Tout à fait différent de la Belgique !". Ce n'est pas verbatim mais
presque. Et la France, Isabelle, on l'oublie ? C'est si mauvais que ça, en France ?
Quant aux cadences infernales, "I have my doubts", cf Edgar Poe's Cask of Amontillado.
Enfin, avec un grand geste de la main évoquant les lendemains qui chantent (du moins je le suppose car c'était à la radio), notre Durant nationale de déclamer : "D'ailleurs les plus grandes
réussites du rail, le Thalys et l'Eurostar, ce n'est pas la concurrence qui les a faits naître, mais la coopération".
Mi-février 2010, parler des grandes réussites d'Eurostar c'est tout de même parier sur le fait que les cherzauditeurs ont la mémoire bien courte...