Dans un post récent, Laurent Berthod s'était attaché à
montrer que nombre parmi les adversaires acharnés du DDT sont des néo-malthusiens estimant finalement que la malaria est un facteur de contrôle de la population qui en vaut bien un autre.
D'ailleurs, le Sida aussi, et le choléra, et la grippe espagnole itou, bref, vive les épidémies. Sauf que la malaria est assez facile à éradiquer (oui, le choléra aussi, mais passons) : d'abord
un entretien des abords d'habitation (on n'imagine pas à quel point les vieux pneus "décoratifs" peuvent être calamiteux), une goutte de pétrole dans les mares et, bien sûr, le DDT.
J'avais à l'époque pointé la grande responsabilité de Rachel Carson et de ses thuriféraires
dans le mauvais procès fait à une molécule salvatrice (et à vrai dire contre tous les "produits chimiques" pesticides), mais je ne m'étais pas rendu compte à quel point ce procès était truqué ;
car il faut bien dire que Rachel Carson n'a pas hésité à mentir pour mieux faire passer ses idées. Quelques exemples, tirés d'un article datant de 2002 par J. Gordon Edwards, entomologiste :
- le DDT n'est évidemment pas plus toxique que l'arsenic ! Et je n'ai pas connaissance que l'arsenic soit carcinogène.
- Carson fait allusion à un "parc en Hollande" (sans autres références) infesté en nématodes. Il a suffi de planter des soucis pour tuer les nématodes et faire
refleurir les roses... Touchante histoire tendant à prouver qu'il vaut mieux laisser pousser les adventices qu'utiliser des pesticides, car "d'autres plantes que nous éradiquons sans pitié
pourraient avoir une fonction utile à la santé du sol". C'est, bien entendu, l'agriculture bio qui fait surface,
c'est déjà la religion du naturel qui se montre.
- Carson mentionne les grandes épidémies de peste, de choléra, de variole, et estime que la nouvelle épidémie est celle des pesticides, en oubliant allègrement la
malaria, le dengue, le typhus, la fièvre jaune, les leishmanioses, etc. qui justement peuvent être combattues de manière simple et très peu coûteuse par le DDT.
- Carson cite George Wallace, un ornithologue de la Michigan State University, qui pensait que des rouges-gorges sur le campus étaient morts d'avoir ingéré des vers
de terre contenant du DDT, en omettant bien de dire que ce n'était arrivé que sur le campus et que les pelouses du campus avaient été traitées avec un fongicide à l'arsenic... Des essais de
gavage de rouges-gorges au DDT ont permis de montrer que ces oiseaux n'étaient pas incommodés par le traitement.
- Carson cite une étude du Dr DeWitt sur les effets de plusieurs insecticides, dont le DDT, sur les cailles et les faisans, et conclut : "les cailles ayant ingéré
du DDT durant toute la période de reproduction ont survécu et pondu un nombre normal d'oeufs fertilisés. Mais peu de ces oeufs ont éclos." Comme personne n'est allé voir l'article original paru
dans l'obscur Journal of Agriculture and Food Chemistry, on n'a pas relevé les protocole de l'expérience, à savoir que les cailles recevaient 100 ppm de DDT par jour, que le taux
d'éclosion dans la cohorte témoin était de 83.9% et dans la cohorte traitée de 75 à 80%. Voilà pour le "peu". Par contre, en ce qui concerne les faisans, à 50 ppm durant une année, les taux de
contrôle sont de 57.4% et 80.6% chez les traités ! Le taux de survie des oisillons était de 94.8% après 2 semaines et de 89.7% après 8 semaines pour les contrôles, contre respectivement 100% et
93.3% chez les traités ! On ne sait trop si Carson ment ou n'a tout simplement pas lu l'article.
- Carson cite une étude de Rudd et Genelly en appui à sa description de la "maladie des faisans" qui arrive au printemps, "lorsqu'on plante le riz", sauf que
l'étude ne portait nullement sur des faisans picorant dans les rizières, mais gavés avec du riz mélangé à 1.5% de DDT, un taux astronomique, bien plus élevé que celui qui est utilisé dans les
rizières, contrairement à ce que Carson écrit. De fait, 5 faisans meurent avec les symptomes, 1 sans les symptomes, 7 survivent dont seuls deux montrent des symptome. Et Carson se garde bien de
citer le deuxième partie de la conclusion des auteurs : "il est clair que les graines traitées au DDT sont ou peuvent être létales pour les oiseaux granivores. [Cette mortalité peut être
complètement évitée en utilisant séparément les graines et le produit - phrase éliminée par RC].
On pourrait continuer, et rappeler que beaucoup de scientifiques ont nettement moins encensé le livre que les critiques littéraires et le public en général. On
peut aussi se souvenir que son Maître biologiste William Hueper qui affirmait avec insistance qu'il n'y avait qu'un lien au mieux ténu entre fumer et contracter le cancer du poumon - jusqu'à dire
qu'un tel lien était une invention, un complot des producteurs de pesticides... :
"1. The total epidemiological, clinical, pathological, and experimental evidence on hand
clearly indicates that not a single but several if not numerous industrial or industry-related atmospheric pollutants are to a great part responsible for the causation of lung cancer.
2.While the available data do not permit any definite statement as to the relative importance of the various recognized respiratory carcinogens in the production of
lung cancers in the general population, they nevertheless unmistakingly suggest that cigarette smoking is not a major factor in the causation of lung cancers or had it a predominant role in the
remarkable increase ofthese tumors during recent decades.
3. In view of the fact that not only a great deal of the existing circumstantial epidemiological evidence but also pratically the entire factual and conclusive
evidence available on exogenous respiratory carcinogens are either of occupational origin or point to industry-related factors, it would be most unwise at this time to base future preventive
measures of lung-cancer hazards mainly on the cigarette theory and to concentrate the immediate epidemiological and experimentalefforts on this evidently overpropagandized and insufficiently
documented concept." (*)
Quoi qu'il en soit, il ne peut y avoir aucun doute que le DDT présente d'énormes avantages sur d'autres insecticides. Sa toxicité est faible à très faible chez
l'Homme, et son utilisation contrôlée notamment pour éradiquer la malaria est sans rivale. Ironiquement, c'est son coût très bas qui a sans doute permis son utilisation excessive... Mais pour
certains tout insecticide ou pesticide est à proscrire, sauf peut-être les soucis des parcs hollandais...
(*) Merci à Matt Ridley