Mettant les choses au point, je déclare n'être ni Tintinomane, ni Tintinolâtre, ni même Tintinophile. Je laisse ce soin à des spécialistes très pointus comme Pierre Sterckx qui sont prêts à dépenser des milliers d'euros pour acquérir une planche originale d'Hergé. Tout simplement, j'étais dans ma jeunesse abonné à ce "Journal" (hebdomadaire) comme à Spirou et à Mickey (j'adorais bien sûr l'abominable Donald Duck et Scrooge - l'Oncle Picsou pour les Français). Que dire d'On a marché sur la Lune, sinon que je me régalais (et me régale encore) des planches montrant Tournesol (L' Auguste Piccard, dont la nacelle ornait l'entrée de je ne sais plus quel auditoire de l'ULB) amenant Haddock vers la fusée célèbre, carrelée de rouge et de blanc qui se vend maintenant en modèles déclinés en diverses grandeurs pour une somme plus que rondelette.
On a crédité Hergé, et pas injustement, pour la création de la ligne claire. Oui, il y avait une magie (terme galvaudé, je l'admets) à cet ascétisme graphique. Et à relire les albums de Tintin, j'ai été toujours admiratif de son style, de sa manière de mener le récit, d'introduire des dialogues en "syldave" (en fait du pur brusselêer, du dialecte bruxellois). A se tordre de rire pour ceux qui le connaissent.
Mais le veuve d'Hergé et son nouveau mari ont vite compris ce qu'on pouvait en tirer - marketing et merchandising obligent. Spielberg en a remis une couche, et sa Licorne n'a plus grand'chose à voir avec le Tintin original. Comme le dit Sotinel, c'est un peu Tintin chez les Transformers. Le visage lisse et à peine évoqué de Tintin, le faciès expressif de Haddock avec un pif exagéré, entre la naïveté, les sourcils et les moustaches des Dupond-t, tout cela passe à la moulinette du spectacle tsunamiesque. Aucune animation ne remplacera le petit tourbillon indiquant la course...
Ah oui, on dira que c'est une adaptation. Sans doute. Mais c'est une adaptation graphique d'une oeuvre graphique, et à mon point de vue, c'est une trahison, et a moneymaker... (on connaît le caractère âpre au gain du couple Rodwell (*) et leur manie de faire des procès à quiconque se mêle de malmener le monde tintinesque ; ici, pas de danger, dans les 135 millions de dollars, il a dû en revenir une petite partie à Moulinsart...) Ainsi, j'ai beaucoup aimé Tamara Drewe (le film), mais je ne connaissais pas la bande dessinée (pardon ! on dit maintenant graphic novel...), et si les connaisseurs ont crié au scandale, je m'incline.
Un bijou, m'a dit un mien cousin dudit Tintin (avant de le voir). Ce n'est pas mon avis.
(*) Reconnaissons au moins à Rodwell d'avoir préservé tout l'oeuvre d'Hergé. Ce n'est hélas pas le cas pour Franquin dont il ne reste quasiment plus rien des planches originales, les héritiers ayant tout foutu au bac, comme on dit chez nous. Rephotographié les albums, donc, rien. Merci au cousin de me l'avoir renseigné !
P.S. Après l'avoir vu, ledit cousin (de C., en fait) a dit qu'il était "pas mal déçu". Après l'avoir vu, Pierre Sterckx s'est déclaré satisfait et a livré son point de vue dans le journal Le Soir où il se livre à une obscure exégèse sur le concept de pixel qu'il ne semble pas avoir très bien compris.