La fausse science expliquée aux enfant c'est très simple.
Pour qui n'a jamais pratiqué de près ou de loin la biométrie, autrement dit la statistique appliquée à la biologie, il a sûrement été difficile de s'y retrouver dans la polémique scientifique sur l'étude Séralini et al. Un grand savant, Alain de Weck, a expliqué ça avec des mots très simples, des mots de tous les jours, qui ne font appel à aucun comcept mathématique abstrait, sinon les nombres un, deux, trois, quatre, cinq, dix et trois idées assez simples, "supérieur à", "inférieur à" et "égal à".
Voici ce texte.
Requiem pour trois rats morts prématurément
par Alain de Weck
On ne considère plus guère les scientifiques comme des savants. C’est légitime, ils ne savent pas grand chose. Un groupe de jeunes scientifiques français a rapporté récemment qu’une alimentation par maïs transgénique OGM cause chez le rat des tumeurs et une mortalité prématurée, si l’on est suffisamment patient pour attendre deux ans, la durée moyenne de la vie d’un rat. Cette affirmation est basée sur deux groupes de dix rats. Cinq rats nourris au maïs OGM sont morts prématurément alors que seuls deux ou trois sont morts parmi les dix rats contrôles nourris par un maïs normal. Dans les dix autres groupes nourris par maïs OGM, la mortalité a été soit d’un rat supérieure, soit égale, soit même inférieure au contrôle. Tout se joue donc sur trois rats, qui ont eu la malchance d’être là au mauvais moment. Cette différence a suffi aux auteurs de l’étude pour emboucher les trompettes de Jéricho, ameuter la grande presse et s’en prendre au reste du monde qui ne les avait jusqu’ici pas pris au sérieux. Les scientifiques du reste du monde ont beau objecter que trois rats, ce n’est pas grand chose, et que dans le contexte, les résultats sont probablement le jeu du hasard. Ils ont eu aussi beau rappeler que ces résultats vont à l’encontre d’une évidence expérimentale négative dont les dossiers remplissent un immeuble de quatre étages. Rien n’y fera. L’angoisse s’est installée dans les chaumières et on va s’en occuper en haut lieu. Ce samedi se rencontraient à l’Élysée, toutes affaires cessantes, les ministres de l’agriculture, de la santé et de l’environnement, peut-être aussi le Premier Ministre et le Président de la République, pour discuter de nos trois rats. On envisage des mesures d’urgence à proposer, si ce n’est imposer, aux partenaires européens. Décidément, la France joue toujours son rôle de phare intellectuel : après la rationalité de Descartes, la défense des droits de l’homme et de multiples découvertes, voici venir l’ère de l’hystérie collective et des fantasmes d’une nouvelle science verte. Pendant ce temps, le ministre américain de la santé dort sur ses deux oreilles. Ses concitoyens gavés de maïs OGM depuis dix ans se portent comme un charme. Leur durée de vie s’allonge plus vite que celles des Français et le maïs les fait engraisser. L’histoire se souviendra des trois rats de Caen ; ils sont les premiers rats de laboratoire à avoir droit à des funérailles nationales et ils ne sont pas morts en vain.
Sur le même sujet, les lecteurs souhaitant un argumentaire plus détaillé et exprimé en termes plus scientifiques pourront lire un article du même Alain de Weck en cliquant ici
Alain de Weck est professeur émérite d’immunologie et allergologie, Universités de Berne (Suisse) et Navarre (Espagne). Membre associé étranger Académie Nationale de Médecine (Paris). Ancien président de l’Union Internationale des Sociétés d’Immunologie (IUIS).
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