En ce qui concerne les voitures tout électriques, le patron de Renault-Nissan estime qu'elles constitueront 10% du parc automobile en 2020. Je parle bien des véhicules tout électriques, qu'on recharge à une borne de courant (ou en pédalant), et non des véhicules hybrides comme la Prius - la plus célèbre - contre lesquels le grand ayatollah Geoge Monbiot a bien évidemment fulminé un interdit puisque sur la route ce ne sont que de vulgaires véhicules à essence.
Je suppose que vous avez tous entendu parler de la miraculeuse EV1 de General Motors, qui a bien entendu été assassinée par l'administration Bush, les pétroliers et les garagistes selon un documentaire très répandu sur le Net (vous pouvez aussi le regarder sur le site de Véronique Anger). La réalité est nettement plus nuancée : c'était une voiture lancée en prototype par GM dans une Californie où une loi draconienne dite Zero Emission conduisait les fabricants automobiles à trouver un peu n'importe quoi pour dire que... D'autre part, il y a toujours une partie de la population (et spécialement Californienne !) pour s'enthousiasmer devant le dernier gadget à la mode, et l'EV1 était un beau gadget, rapide, aérodynamique, futuriste et... inutilisable. Deux places (aux USA !), un rayon d'action riquiqui, un mode de chargement anti-pratique, et un prix colossal. C'était ce qu'on appelle a conversation piece pour les heureux pilotes d'essai sélectionnés par GM et qui pouvaient frimer devant leurs copains techno-geeks comme eux. Quelques milliers - ou même dizaine de milliers - de ces voitures n'auraient qu'écorniflé les profits des pétroliers et des stations-service, et n'auraient nullement diminué les revenus des réparateurs puisque, contrairement à ce qui est prétendu un peu partout, la maintenance d'une voiture électrique est au moins aussi complexe que celle d'une voiture thermique ou - surtout - hybride.
Je n'ai rigoureusement rien contre le principe du tout électrique, mais je reste réaliste sinon sceptique. Dans l'état actuel de la technologie (et 2020 c'est dans dix ans, c'est-à-dire demain ; même une découverte technologique fracassante faite ce jour mettrait au moins dix ans pour s'établir industriellement), le tout-électrique est irréaliste, à moins d'interdire les moteurs thermiques, qui par ailleurs évoluent et se perfectionnent sans cesse, sans nul doute aussi à cause des normes d'émissions de plus en plus sévères. 10% de VE en France demain, c'est 300.000 points de recharge à créer, à un coût unitaire d'au moins 50.000 € ; la recharge d'une batterie Lithium-ion durant plusieurs heures, on a imaginé des systèmes de location de batteries dans les stations-service existantes ou d'autres possibilités relativement tordues et difficilement applicables. Car l'essentiel est là : les batteries les plus performantes actuelles sont extrêmement coûteuses, très délicates et dangereuses (contrairement à ce qu'on peut penser l'essence est peu dangereuse : les véhicules n'explosent que dans les films d'action, ou presque), s'épuisent après quelques centaines de cycles de charge et ont donc une durée de vie très limitée. Et surtout, leur densité d'énergie est très faible. Voyez la magnifique Tesla Roadster : ce jouet pour gosses de riches contient une batterie de 53 kWh rechargeable en 4 heures. Quand je fais le plein de ma Renault Espace, j'y mets en moins de trois minutes plus de 600 kWh, à un prix plus élevé, je le concède. Mais les kW.h de la Roadster, il faut bien les fabriquer quelque part : comme l'hydrogène, le courant n'est jamais qu'une monnaie d'échange, pas une énergie primaire. Et c'est là aussi que le bât blesse !
Remarquez qu'il y a aussi le fameux problèmes des "terres rares" (les lanthanides, qui par ailleurs ne sont ni rares ni des terres, mais dont le minerai a une fâcheuse tendance à être concentré en Chine) qui sont utilisées extensivement dans les moteurs électriques (spécialement le néodyme et le lanthane - pour fixer les idées, une Toyota Prius contient environ 1kg de néodyme et 10kg de lanthane) - et, bien entendu dans les dynamos des éoliennes puisqu'une dynamo est un moteur "à l'envers"... Les centaines de milliers de nouveaux emplois dans la fabrication des technologies "vertes" pourraient donc bien plutôt se matérialiser en Chine. Et quelle aubaine ! Ne croyez pas une seconde que je ne me réjouisse pas pour les Chinois, mais c'est tout de même une réflexion à faire avaler à Borloo quand il envoie son tir de barrage en faveur des "emplois verts".
Hélas, la simplificite n'arrête pas de frapper...
P.S. Voir également une analyse très convaincante d'un effet d'annonce bien précis : l'EPA elle-même décerne un brevet de mérite à la Nissan Leaf, mais à y regarder de plus près, le point de vue de l'EPA ne reflète que sa position idéologique (ce dont personne qui connaisse l'Agence en question ne doutera, d'ailleurs). Mais chacun sait que le Coyote Blog est stipendié par le pétroliers, d'ailleurs pour en avoir la preuve il suffit de se referer à son post sur l'immigration.