Let no one else's work ever evade your eyes!
Remember why the good Lord made your eyes!
So don't shade your eyes!
But plagiarize, plagiarize, plagiarize!
Tom Lehrer
Il y a quelques mois j'avais été voir un film dont la critique était assez bonne, voire très bonne. On ajoutait même qu'il était politiquement incorrect, ce qui me terrorisait un peu dans la mesure où il suffit d'une réplique du genre "t'as vu ce bougnoule" pour que les critiques se pâment d'admiration et se mettent à caqueter avec délices "politiquement incorrect, politiquement incorrect !". Le PI est le PC d'aujourd'hui, mais enfin, le synopsis était prometteur, l'histoire d'un grand humanitaire de 80 ans qui épouse une réfugiée au scandale de ses deux enfants, le fils de droite et la fille de gauche qui finissent par se réconcilier, bref on aura peut-être reconnu Les invités de mon père, le type même de film pour lequel on a inventé le terme "comédie franchouillarde" : très mal joué, personnages sans aucune épaisseur aussi rapides à se faire convaincre que les acteurs de publicités pour margarine de l'ancien temps, scénario essoufflé, découpage plus qu'approximatif... Et puis aussi, malgré tout, un film qui provoque un sentiment de grand malaise en constatant qu'on se moque moins de l'humanitaire qu'on ne décrit la réfugiée comme une profiteuse. A ce compte, on pourrait aussi taxer de PI le discours du FN.
Et puis, l'autre jour me tombe entre les mains le livre de Marina Lewycka, A Short History of Tractors in Ukrainia, où je retrouve quasiment trait pour trait l'essentiel du film, mais ce dernier étant débarrassé de tout ce qui fait la saveur et l'aspect dramatico-comique du livre. Aucune mention de ce livre dans la fiche technique du film et je ne me souviens pas de l'avoir vu apparaître dans le générique de désannonce. On a fait quelques transpositions aussi, oblitérant ce qu'il y avait d'essentiel par ailleurs, juste assez sans doute pour éviter un procès en contrefaçon.
Cette piteuse oeuvrette n'en mérite d'ailleurs pas tant.