[suite du feuilleton précédent]
Et, donc, le 23, la "marche blanche" annoncée - et ses mots d'ordre ni-ni-ni-ni - a avorté d'une ressucée de la marche belgicaine de 2007, avec 80% de francophones et une belle mesure de drapeaux "noir jaune et rouge". C'était, paraît-il "la marche de la honte", comme si le fait de trahir ses électeurs - flamands pour les partis flamands, francophones pour les autres - n'eût pas été bien plus honteux encore que de ne pas s'accorder entre des partis indépendantistes et gentiment fédéralistes. Sans parler de cet aspect "jeune", ah comme c'est beau que la jeunesse nous donne des leçons (*)... Quelle démagogie !
Le vendredi précédent, à l'appel principalement d'artistes flamands s'était tenue une réunion au KVS : "Niet in onze naam/pas en notre nom". Très jolie, très belle manifestation en l'honneur d'une culture sans frontières, à laquelle j'ai toujours souscrit - théoriquement. Mais à vrai dire complètement fausse ; les cultures "dominées" n'ont jamais manqué de faire le procès des cultures "dominantes", et (souvent) à juste titre. J'entendais tout à l'heure Claude Semal, artiste francophone très ouvert, très à gauche et très belgicain-bruxellois, s'étonner du fait qu'il ne connaissait quasiment aucun des artistes du Nord du pays, sauf quelques-uns de sa spécialité (le cabaret, pour faire simple). Et n'oublions pas qu'à la dernière Biennale de Venise, on a écarté des oeuvres dérangeantes parce que les visiteurs du Proche-Orient auraient pu être choqués par le contenu... Ah oui, le marché n'est pas l'Art avec un grand A... Une exposition comme celle de Cranach qu'on a pu voir à Bruxelles et qu'on verra bientôt à Paris ne sera évidemment jamais exposée telle quelle dans tant d'autres lieux ! Le caviardage d'oeuvres même antiques est quelque peu oublié chez nous mais toujours d'actualité ailleurs.
Ben oui, on a deux pays qui se partagent un improbable héritage datant du Congrès de Vienne (**) où, en gros, les Anglais et les Prussiens ont voulu créer un Etat-tampon entre la France et les Pays-bas en y incluant les catholiques du Nord. Comme le disait Jules Destrée à son roi Albert Ier, "Majesté, votre cire est bien bonne", non, pardon, "Sire, la Belgique n'existe pas...". Certes aussi, il le disait en tant que Wallon. Maintenant, c'est à Bart de Wever de le rappeler à Albert II. On dirait que tout allait bien jusqu'à ce que la NVA vienne tout chambouler, et on oublie allègrement que le Parlement flamand avait déjà voté en 1999 - et à une grosse majorité - une résolution qui est tout à fait à l'ordre du jour ; les francophones n'étaient-ils pas au courant ? Il n'y a plus de partis nationaux depuis belle lurette et les systèmes empilés fédéral/régional/communautaire ont dérivé chacun dans sa logique propre. Et quand j'entends l'historien de la NVA, M. Defoort, revenir benoîtement sur la notion de confédéralisme, je trouve incompréhensible qu'aucun journaliste ne lui rappelle qu'il n'y a pas matière à confédération ; et qu'un historien comme lui appelle "confédération" la confédération helvétique est d'une mauvaise foi criante - autant dire que la Corée du Nord est un démocratie, et est populaire de surcroît.
La Belgique n'est pas morte, mais l'unitarisme l'est. Il faut commencer à négocier l'indépendance de la Flandre, et je me réjouis d'avoir entendu Hervé Hasquin le sous-entendre hier soir sur la RTBF.
(*) propos certes d'un vieux croûton
(**) Et mieux encore, Lothaire, petit-fils de Charlemagne...