Tout jeune, je dévorais les livres de Maurice Leblanc, ou plus exactement ceux qui relataient la vie exaltante du bel Arsène, mon
idole, le révolté, celui qui narguait la Société, comme le sublime Robur le Conquérant (celui que le salopard de Philip Jose Farmer avait voulu soustraire à mon admiration, tout comme Nemo).
Certes, ML avait eu les fées sur son berceau, Flaubert (enfin, le frère...), et plus tard Jules Renard, Alphonse Daudet, Alphonse Allais et même l'immense Stéphane Mallarmé. Sa soeur Georgette
connut la gloire comme soprano lyrique, amie de Maeterlinck - bref, tout du beau monde.
Cela, je l'ignorais, ingurgitant aussi bien Les Aventures d'Arsène Lupin que Jules Verne.
Le temps a passé, hélas (et j'ai lu tous les livres... non, pas vraiment, hélas encore). Mais tous les Leblanc, et même (avec ennui) ses moins bons (comme L'éclat d'obus, pénible devoir
patriotique franchouillard, et Le formidable événement, ou Le ciel empoisonné, sombres pensums pré-SciFi dont je n'ai que de brumeux souvenirs décevants ; peut-être
devrais-je les relire, mais j'en doute).
Et voici qu'après tant d'années (et, non, une fois encore, je n'ai pas peur des clichés !) je me reprends à le relire, commençant bien sûr par L'agence Barnett, si joyeuse et débridée,
puis L'Aiguille creuse, sombre mélodrame époustouflant (mon premier, soit dit en passant), puis tous les autres. Et je vous l'assure, c'est passionnant, c'est très bien écrit, en plus -
oh certes, il y a trop de passés simples et d'imparfaits du subjonctif pour notre goût présent, mais qui sait l'italien ou l'espagnol connaît le petit frisson de ces temps méconnus de notre
français - un peu plus plat de nos jours. Très bel écrivain, ce Leblanc avec un phrasé superbe, comme "elle avait une tête trop petite, comprimée à droite et à gauche, et d'où le nez
jaillissait comme une protestation contre une telle exiguïté" (Les confidences, par ailleurs assez faible). Et 813 ! Et Les trois crimes !
Bref, lisez-le ou le relisez, vous y trouverez du plaisir.