Ce n'est pas seulement d'un concert qu'il s'agit, c'est d'un spectacle. D'abord, la plupart des instrumentistes et des chanteurs sont
beaux. Bien vêtus. Jordi Savall porte sa barbe avec fierté, son long châle rouge avec une superbe crânerie. Évidemment Montserrat Figueras apporte sa voix exceptionnelle, reconnaissable
dès la première note, ses aiguës parfaites même dans les forte, et résonante dans le mezzo. Les instruments sont beaux. Le parti-pris de chants-à-danser est saisissant. La mise en scène
(ce soir à l'église des Minimes, dans le beau quartier du Sablon à Bruxelles) est parfaite, alternant entre l'autel et l'orgue. Les longues plaintes des Chants de la Sybille étaient introduits
par des interludes (dont la célebrissime Estampie Royale, et une remise en scène avec fifes and drum, offert par un percussioniste beau comme un dieu) et pimentées par cet autre
superbe Ad mortem festinamus.
Le public bruxellois a la réputation d'être froid. Ce n'était pas le cas ce soir, et le bis offert par Hespérion XXI l'a prouvé, une inoxydable reprise de Cuncti simus où
l'assistance reprenait en choeur "A-a-ve Mari-i-i-ia" sans état d'âme par rapport à ce que ma mère appelait ces sornettes.
Oui, sans doute. Mais en sortant de ce concert, on se sentait meilleur, plus beau, plus grand. On avait touché le concept de beau, platonicien. On savait que derrière la beauté,
il y avait le beau.
Et puis, on l'oubliera...