Eh bien, Madagascar va mal, très mal. Rajoelina, poussé dans le dos par les plus radicaux de ses soutiens, a claqué la porte et renié ses engagements. L'Union Africaine a mis l'embargo bancaire et consulaire sur cent personnalités du régime (ce dont ils se fichent bien, ils ne se déplacent que vers la France et n'ont évidemment aucun avoir bancaire en Afrique), tous les canaux d'aide (ONU et ses agences spécialisées, Europe, USA, Afrique...) sont suspendus s'ils transitent par le gouvernement malgache, les ambassadeurs ne déposent pas leurs lettres de créance (ainsi le représentant de la Commission européenne), aucun pays ne reconnaît le gouvernement putschiste.
Sauf la France. Et l'ambassadeur nouvellement nommé a bien, lui, déposé ses lettres de créance.
La France dont certains prétendent perfidement qu'elle est derrière le coup d'état, ce qui est peut-être aller vite en besogne ; mais le Quai d'Orsay n'a certainement pas été pris de désespoir lorsque Ravalomanana a été renversé.
En fait, Rajoelina est aux abois et tente tout pour prouver sa représentativité, invitant tout allié potentiel à partager ses modestes repas... Et, accessoirement, de délivrer des permis exceptionnels d'exportation de bois de rose, même si aucun pays ne peut reconnaître un tel permis, puisqu'il n'est pas délivré par une Autorité compétente.
Sauf la France. D'où le scandale actuel.
Quant au Parlement européen, il a déjà voté une résolution très dure concernant Madagascar, mais on connaît le goût immodéré du PE pour les déclarations fracassantes et qui ne lui coûtent rien. Seulement, maintenant que Louis Michel n'est plus Commissaire européen, mais "simple" euro-parlementaire, il s'est tout de même fendu d'une recommandation de suivre l'exemple de l'Union Africaine, et ce en sa qualité de vice-président de l'assemblée parlementaire paritaire UE-ACP. Son raisonnement est imparable : l'UE fait constamment la leçon au monde entier sur l'obligation démocratique et elle ne suivrait pas l'UA sur ce terrain ?
Encore faut-il convaincre le Conseil, ce qui ne sera sans doute pas trop difficile pour les 27.
Pardon, les 26. Pas la France.
Pour ce qui est d'instaurer une interdiction d'accès au territoire européen, ce ne peut être pris que dans le cadre de la PESC, donc à l'unanimité. Donc, ne pas y compter. La saisie des comptes bancaires, on pourrait y arriver à la majorité qualifiée, mais tout le monde sait bien que la France - où se situent la quasi-totalité des comptes par les succursales réunionnaises - ne l'appliquera pas.
Cela dit, il faut aussi être réaliste : Madagascar compte 25.000 Français (*), la population la plus élevée en Afrique depuis la fuite de la Côte d'Ivoire, et Paris craint beaucoup qu'en cas de troubles similaires, une majorité de ces Français ne se ruent vers La Réunion...
Mais pour le "Pays des Droits de l'Homme" dont le président donne des leçons de démocratie sociale actuellement aux USA, ça la fiche tout de même mal.
(*) en grande majorité des karana qui ont conservé la nationalité française lors de l'indépendance, ce qui leur a valu (et leur vaut toujours) une suspicion de traîtrise... La crise actuelle pourrait se polariser en affrontements inter-ethniques.