Tous les premiers mardis du mois, les férus de cinéma de mon école secondaire se retrouvaient dans la petite salle de cinéma des
Beaux-Arts (ignoblement rebaptisée BOZAR - fédéralisme bilingue oblige - peut-être en sachant que cette appellation avait été utilisée un siècle auparavant par les opposants à l'Institution),
attentifs à ce que notre Maître-cinéphile André Delvaux allait nous montrer. Une fois, il est vrai, nous avions eu Vampyr de Dreyer en VO avec sous-titres en serbo-croate, ce qui avait
provoqué une certaine hilarité dans la salle ; Delvaux nous avait alors foudroyés de sa petite voix nasillarde en nous annonçant que, vu ces réactions, il ne nous passerait plus que des films
comiques français et nous nous étions bien sûr repentis bruyamment en frémissant à l'idée d'une telle punition (Encore que A pied, à cheval et en voiture.... Je n'ose
élaborer...).
Tout cela pour dire que nous avons vu tout ce que Melville avait déjà tourné, et notamment Bob le flambeur et, vous devinez, Deux hommes dans Manhattan. Ce film nous avait
transfixés, tendres adolescents que nous étions, mythique Manhattan (que par ailleurs je connaissais un peu) et aussi une ébauche de nudités qui nous avait éblouis (fin des années cinquante,
imagine-t-on ?).
Durant des années et des années, j'ai essayé de revoir ce film, mais impossible de trouver une copie. Rien à la médiathèque, rien sur Amazon, rien sur le net !
Et voilà qu'il y a quelques semaines, je trouve sur le programme de la CINEMATEK (voir mon dégoût de ce terme à propos de BOZAR) une programmation unique de ce film-culte (en tous cas pour
moi).
Déception. Bien sûr, il y avait le Manhattan de mon enfance, et une Studebaker comme celle de mon frère à l'époque. Mais si Melville est un très beau réalisateur, he's a lousy actor. La scène du
coup de poing dans le bar est misérable, et toute l'histoire tient à peine ; il devait encore faire ses classes.
Oh oui, et à ce propos, Ascenseur pour l'échafaud. Certes belles images et montage aéré, large, musique évidemment sans comparaison possible (le Miles Davis que je préfère). Mais
que l'histoire a vieilli... Ces post-adolescents n'ont aucune consistance et Poujouly est vraiment mauvais.
Cela dit, il n'est nullement question pour moi d'être un déboulonneur de statues ("démystificateur" comme on disait il y a un temps). Simplement, il faut parfois prendre un peu de distance. Et à
regret. Non, pas de regrets !