De la grande trilogie opératique mozartienne, Cosi' est sans doute le moins apprécié, non pour la musique mais pour l'argument. Nous l'avions vu cinq ou six fois dans de très belles mises en scène, mais cette fois c'était Haneke qui s'y collait. Et le Papy Moisi de ChronicArt a réussi quelque chose d'époustouflant.
Chaque fois que nous avions vu Cosi', on ne manquait pas de nous dire qu'il n'y avait rien de trouble dans cet opéra, que toute l'histoire était seulement un gentil marivaudage sans aucune intention "échangiste" ou érotique. Oh certes non !
Haneke n'est pas vraiment d'accord. Il a lu les paroles, il a étudié la machine (il suffit de le faire, ce n'est pas difficile) et il a conclu que Cosi' est effectivement un grand moment d'échangisme. Il le montre très bien dans sa mise en scène où les couples, Fiodiligi, Guglielmo, Dorabella, Ferrando se mélangent en se donnant la main sous le regard glacé de Don Alfonso cornaqué (presque juste à la fin - mais je n'en dirai pas plus pour ne pas déflorer la mise en scène) par une Despina dont personne jusque-là n'avait pensé qu'elle pouvait avoir une relation intime avec celui qui avait toujours été présenté comme un pur cynique assez bienveillant : "Ho i crini gia' grigi, ex cathedra parlo, ma tutti litigi finiscano qua"... Ici, pas du tout, c'est un manipulateur féroce et déplaisant, loin du Papy (non moisi) habituel.
Et parlons de la magnifique scénographie, d'un moment de théâtre parfait, où se mêlent avec beaucoup d'intelligence costumes du XVIIIe et de notre époque actuelle. Et ça marche ! Un figurant en habit à la française qui parle dans son GSM, Guglielmo et Ferrando croisant le fer avec Alfonso en plaisantant, une pelle et un tisonnier contre une épée, "o fuori la spada, rompiam l'amista'". Et, bien sûr quand les deux compères se présentent en soldats, Haneke ne désire pas les costumer en soldats d'Irak, comme on en a trop vu dans les dernières saisons d'opéra.
On peut appeler ça une version de référence. C'en est une, et les prochaines devront s'y comparer. Si vous avez l'occasion de la voir, n'hésitez pas !