Il fut un temps où la BBC était une institution admirée au Royaume-uni et dans le monde entier, modèle de rigueur, d'impartialité et d'ouverture (la fameuse "transparence"), respectueuse du public et irrespectueuse envers le Pouvoir (je mets les années de guerre entre parenthèses, on peut le comprendre).
C'est bien fini. Les derniers scandales qui secouent la vieille dame (la vieille morue, si l'on préfère) provoquent chez nous une stupéfaction peinée, due sans doute à une volonté des journalistes de ne pas trop ébruiter la grande perte de crédibilité subie par la Beeb auprès de ses auditeurs britanniques, et ce depuis que Toni Blair a décidé de la mettre au pas après en avoir essuyé les feux.
L'impertinence et l'indépendance de la BBC ne sont plus qu'un lointain souvenir. Quant à son impartialité, pourtant obligatoire selon ses statuts, il n'en est plus vraiment question. En janvier 2006, une réunion de travail, décrite comme un brainstorming - quelques membres de la BBC et 28 personnes non autrement décrites que comme des "scientifiques de premier plan" - débouchait sur la décision de ne plus accorder un temps égal aux partisans des thèses de l'IPCC et à leurs contradicteurs :
"The BBC has held a high-level seminar with some of the best scientific experts and has come to the view that the weight of evidence no longer justifies equal space being given to the opponents of the consensus [on anthropogenic climate change]."
Or, la BBC n'est pas le Guardian, puisqu'elle a un statut de service public (à l'anglaise, naturellement). Andrew Montford avait d'ailleurs dénoncé cette forfaiture dans un petit e-livre fort bien fait et d'un prix ridiculement bas (1€).
Mais voilà : on se doutait bien que tous les invités n'étaient pas des scientifiques (de premier ou de deuxième rang, peu importe), mais on n'en avait pas la preuve. Les deux Climategates avaient révélé une collusion entre certains membres de l'IPPC et des journalistes la BBC pour faire taire l'opposition. Aussi, un blogueur, Toni Newbery, utilisa les Freedom of Information Act pour se faire livrer la liste des noms. Peine perdue, la BBC utilisa tous les moyens pour faire taire l'importun et finit devant un tribunal spécial composé de trois juges (dont deux non-magistrats, des "lay judges") d'une mauvaise foi absolue (l'un d'eux avait eu la bonne idée de faire des remarques sur Twitter), qui jugèrent que la BBC jouissait d'une exemption pour "raisons de journalisme" (whatever that means ; on comprend qu'il faille protéger ses sources, mais ici ce n'était clairement pas le cas) et même que, selon la règle de Chatham House, on ne pouvait même pas évoquer ces "scientifiques" (ce qui est tout aussi ridicule comme argumentation). La BBC avait d'ailleurs recruté l'aide de cinq ou six juristes spécialisés et particulièrement bien payés pour l'assister dans cette pénible épreuve.
Déception pour le débouté, donc.
Mais voilà : une fois de plus (nous en avons déjà vu quelques exemples), ces petits malins n'avaient pas compté avec les traces laissées derrière eux, et Maurizio Morabito, un autre blogueur astucieux et accrocheur, eut l'astuce d'alller consulter Wayback Machine et bingo! voilà la liste toute fraîche, toute crue, catastrophique pour la Beeb : 3 des participants seulement étaient des scientifiques (d'ailleurs tous acquis aux thèses de l'IPCC).
Inutile de dire que - Guardian excepté - la Presse britannique s'en est donné a coeur joie, à commencer évidemment par James Delingpole dans le Telegraph.