C'était en première page du Monde : 400 climatologues écrivent à leur Ministre. Diable, j'ignorais qu'en France il y eût tant de climatologues ! Le texte, je l'ai trouvé à la recherche du bonheur, chez J.-G. Mahéo (accompagné de commentaires particulièrement bien venus, ainsi que d'une réponse de Courtillot, qui a planté ma bécane, soit dit en passant), et il est gratiné.
D'abord, l'idée d'écrire pareille lettre est pour le moins étonnante, mais cela reflète bien le "républicanisme" français : le patron de tout et de tous, c'est l'Etat. Vous imaginez Hansen allant pleurer dans le giron d'Obama ?
Mais le texte est ahurissant. Car enfin, les signataires semblent regretter que les livres ne soient pas peer-reviewed, ce qui est proprement impensable. Ensuite, les livres en question font état de points de vue opposés aux travaux du GIEC, mais qui sont, eux (les points de vue), parfaitement passés par le filtre du peer-review. De plus, les WG2 et 3 font précisément état de nombreux articles qui ne sont pas peer-reviewed - certains étant d'ailleurs totalement erronés, et font un tri extrêmement sélectif, allant toujours dans le sens du pessimisme pour ce qui est du WG2 et de l'optimisme pour le WG3. Enfin, le peer-review n'est nullement un blanc seing : les arbitres donnent leur avis, et les auteurs modifient (ou non) en fonction de ces avis. Que les signataires de la lettre publient donc plutôt leurs objections à ces "erreurs de fond majeures sur la description du fonctionnement du système climatique", j'avoue que ça m'intéresserait diablement, car les deux auteurs cités - Claude Allègre et Vincent Courtillot - ne sont tout de même pas des néophytes ou des ignares.
Finalement, on se demande un tout petit peu s'il n'y aurait pas une tentative de faire, sinon interdire, ne rêvons pas, du moins "freiner" les ventes des ouvrages qui déplaisent aux signataires. Que la ministre, par exemple, exprime son désaccord voire son courroux envers lesdits ouvrages. Ce qui ferait évidemment doubler le tirage (tout comme de nombreux lecteurs de la lettre ouverte vont se ruer sur ces ouvrages, ne serait-ce que par curiosité).
Regrettons aussi - et c'est bien plus grave - que cette lettre saugrenue aura pour conséquence de conforter l'idée qu'il existe une Science officielle et de donner ainsi plus de crédit aux charlatans.