Tout de même, encore quelques lignes sur Foucart. Je me demande pourquoi de si nombreux chroniqueurs scientifiques se font les bouledogues du GIEC et montrent vite les dents lorsqu'on met en doute la moindre de ses affirmations. On leur demande d'expliquer la science et non d'être des militants, que diable ! Quand il s'agit de la théorie des cordes ou de la dynamique newtonienne modifiée, on ne les voit pas prendre fait et cause pour ou contre les tenants de ces théories. Il est vrai que dans la Presse anglo-saxonne spécialement, il y a des chroniqueurs scientifiques spécialisés dans l'environnement (l' "écologie" comme ils disent). Et de s'indigner contre les petits crétins qui vont chercher chaque minuscule erreur dans le rapport du GIEC, tiens, comme cette broutille qu'un milliard d'Hommes dépendant des glaciers himalayens seraient privés d'eau en 2035... Une paille, comme erreur.
Pour en revenir à Foucart, au lieu de présenter le livre de Claude Allègre (CA) et éventuellement de donner son avis, il commet donc un méchant petit papier où il se gausse des "cent fautes" contenues dans le livre, et n'en mentionne réellement que trois, dont deux sont évidemment des erreurs de publication qui seront - avec la troisième - certainement corrigées dans la prochaine édition - qui arrive, car le livre se vend très bien, ce qui doit faire enrager les Foucart et consorts.
J'ai donc finalement lu le livre, et il ne m'a pas appris grand'chose : CA le dit lui-même, il n'a fait que reprendre une série d'objections familières à qui suit le sujet en anglais, car il est vrai qu'on est bien en peine de les trouver en langue française, même si ça commence à changer. Et le ton est mesuré, parfois acerbe, plein de vie, au total, excellent, très loin d'un "denialist" ou d'un sectaire.
Mais passons donc sur un journaliste pour en venir à un article bien plus venimeux écrit cette fois par un scientifique tout à fait éminent, Jean-Louis Fellous (qui est bien entendu Docteur en météorologie dynamique).
"Imposture que d'affirmer qu'on peut prévoir, qu'on sait prévoir le climat qu'il fera dans un siècle. (…) On sait, au contraire, que la météo est imprévisible à plus de quatre jours, et parfois moins." Elève Allègre, vous êtes recalé !
Outre le pauvre mépris affiché par ce "Elève Allègre..." adressé à un scientifique d'un niveau comparable au sien, Fellous truque sa citation : le (...) masque de nombreuses pages ( respectivement p. 32 et p. 104) et les deux phrases (d'ailleurs citées de manière approximative) se rapportent à deux sujets différents.
Mais on peut prédire la prochaine glaciation, rythmée par les oscillations de l'orbite terrestre sous l'influence des autres astres du système solaire.
On peut, à l'étude des glaciations passées, projeter la très grande probabilité de glaciations futures, et les cycles de Milankovitch restent à l’honneur, bien qu’il reste encore de nombreuses question en suspens, même si, bien sûr, le coeur de la théorie ne fait plus de doutes.
Et on peut projeter la température moyenne au cours du siècle à venir, en extrapolant le bilan radiatif de la Terre sous l'influence d'un effet de serre accru.
Mais justement, CA nie la pertinence d'une "température moyenne de la Terre", et on peut le comprendre. Et il n'ignore nullement qu'un bilan radiatif modifié par effet de serre peut faire changer le climat, il le proclame tout au long du livre, comme il n'arrête pas de mettre en garde contre une variation climatique qu'on peut déjà constater (dixit CA lui-même, contrairement à ce qu'implique Fellous). Mais il prétend (avec des arguments de poids) que cette variation du climat est plus que probablement indépendant du CO2 anthropique, qui par contre, doit impérativement être limité (c'est CA qui parle) pour diverses raisons dont l' "acidification" des Océans (sa moindre alcalinité, plus exactement). Fellous a-t-il seulement lu le livre ?
Troisième mensonge : aucun climatologue ne prétend que le changement climatique serait le seul problème auquel l'humanité aurait à faire face.
Je ne me souviens pas d'avoir lu cette accusation chez CA, mais je me permets de référer J-LF aux ouvrages de Hansen, qui n'hésite nullement - et il est loin d'être le seul ! - à parler du problème le plus grave et le plus pressant auquel nous devons faire face, quitte pour cela à ne pas être trop regardant sur la démocratie ("Nous devons aller vers le coercitif", annonce Nicolas Hulot, un grand climatologue).
Je n'aime guère les attaques ad hominem, mais force est de constater que Claude Allègre ne se prive pas de traîner dans la boue des scientifiques honnêtes, manière de toujours occuper le devant de la scène pour y pérorer sans fin sur ce qu'il ne connaît pas.
Il ne les aime guère, mais il ne s'en prive pas... Lisez le livre, et cherchez s'il traîne quelqu'un dans la boue ; je vous préviens, il faudra bien chercher ; moi, je n'ai pas trouvé. Certes, il affirme son désaccord avec tel ou tel chercheur, affirme que Mann est incompétent, parle de Hansen-le-"fanatique" et affirme qu'Al Gore a produit un film truffé d'erreurs, à la limite de la malhonnêteté. Je ne peux pas me prononcer à propos de Mann, évidemment, pour le reste, comment pourrait-on contredire CA ? Par contre, J-LF se scandalise-t-il de ce que les "climato-sceptiques" soient régulièrement abreuvés de sarcasmes, de mépris, voire d'injures : à la solde des pétroliers, faussaires, extrême-droite, voire fascistes ?... Quant à dire que CA ne "connaît pas" le sujet, ça me semble un peu fort...
Je préfèrerais qu'il consacre son énergie et ses connaissances scientifiques à l'amélioration de la prévision sismique, qui ne progresse guère.
On appelle ça la flèche du Parthe, c'est une attaque assez fielleuse et peu distinguée intellectuellement.
Et vous aurez à répondre de votre minuscule rôle dans la fuite en avant que vous encouragez.
Là, c'est carrément des menaces, mais c'est assez courant chez certains, de parler de carbon-crime ou de proposer des Nuremberg climatiques.
Bref, un article assez bas et peu honnête, je regrette de devoir le dire.
Mais CA a commis un crime grave : il n'aime pas les modèles (*)... C'est trop global, ça ne prend pas en compte assez de particularités de la Terre, les Océans sont très mal connus et ont une dynamique sans doute très importante. On n'a plus le sens du physicien, on plane dans l'abstraction (enfin... un peu les bidouillages) ; c'est la vieille opposition entre Bill Gray et Kerry Emanuel. Lisez le livre, il en vaut la peine.
(*) On a des tensions du même genre ailleurs en science : biologie et biologie moléculaire, par exemple. Et je me souviens durant mon doctorat que nos maîtres nous rappelaient que la chimie, ce n'était pas seulement une affaire d'orbitales...