J'aime bien Thierry
Michel, il a le don de faire des films complexes (parfois un peu trop...), l'air de rien mais qui en dit beaucoup. Son Mobutu, roi du Zaïre décrit un personnage détestable mais
incontestablement fascinant, ainsi que tous les pantins qui lui tournent autour (ah, voir Monseigneur Monsengwo - le héros de ma belle-soeur - souffler dans un mirliton lors d'un raout donné par
Mobutu, quel régal !).
Congo River était d'abord un document humain remarquable, qui s'égarait on ne sait trop pourquoi dans un retour à Gbadolite, la demeure princière mais détruite de l'ancien dictateur.
C'est ce que mon prof de français appelait "des pralines dans la mayonnaise" - exquis séparément mais moins succulents ensemble.
Très sincèrement, Katanga Business m'a déçu ; le film va dans tous les sens, commence un thème passionnant (les creuseurs) et l'abandonne assez vite, puis explore de la même manière
quelques autres faits divers et ne permet pas une réflexion un peu continue. Dans une interview sur Dailymotion, Thierry Michel explique son intérêt pour Katumbi, la vedette du film -
il crève l'écran (bien plus que l'affreux Forrest qu'on nous sert jusqu'à l'écoeurement-c'est sans doute voulu...). Personnage complexe, certes, "populaire, populiste et berlusconien", mais
quelque peu histrion tout de même (on devine à la fin du film que le peuple, un jour, à force d'avoir été berné par les fanfaronnade du bonhomme finira par le lyncher).
Cela étant, vous pouvez toujours compter sur les critiques (et pas seulement l'inévitable Télérama) pour parler avec l'indignation
convenue et habituelle de privatisation, de mondialisation, de pillage... bref "la démonstration est implacable". Privatisation de la Gécamines, ah oui, quel scandale... Quand on voit ce qu'elle
était devenue aux mains d'un "Etat" prédateur, on s'en félicite, encore que le Canadien à sa tête (j'ai oublié son nom) semble un fantoche qui ne connaît même pas le pourcentage de son contrat
avec M. Min. Pillage, certes - mais par qui ? Par les éternels coupables de tous les maux (i.e. nous) ou bien par ces nouveaux c.d.t.l.m. que sont les affreux Chinois ?
Non, justement, Thierry Michel ne fait pas, jamais de démonstration (écoutez son interview !). Il montre (pas très bien ici, à mon avis), fait réfléchir, donne la parole mais
n'accuse pas. On dirait qu'il conserve même un peu de sympathie pour les pires protagonistes de ses histoires. C'est sans doute un amoureux de l'Afrique (et spécialement du Congo), ce n'est pas
un altermondialiste militant, quoi qu'en disent les porteurs d'oeillères habituels.
A la fin de son interview Thierry Michel laisse passer un message d'espoir sur l'avenir du Katanga - et de l'Afrique ; je vous assure que cet espoir ne transparaît nullement à la vision de son
film, hélas...