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20 août 2008 3 20 /08 /août /2008 07:00

C'est un livre de G. Walker et D. King avec l'inévitable ours polaire sur la couverture, ce qui n'augure rien de bon, mais enfin il avait une bonne critique dans le New Scientist, et puis j'aimais bien son sous-titre "How to Tackle Global Warming And Still Keep the Lights On". Deuxième bémol, après les ours, la citation d'Al Gore : "In a world full of misinformation, The Hot Topic is a beacon of clarity", et c'est vrai qu'en ce qui concerne la misinformation, Al Gore en connaît un bout...

Hélas, la lecture de ce petit opus confirme les doutes que fait naître la couverture. Bien sûr, c'est un ouvrage grand public, et on peut à la rigueur comprendre que toute la problématique soit exposée avec une assurance sans faille ; plus gênant, les auteurs appellent à la rescousse Katrina, les ouragans et la vague de chaleur de 2003, tout en admettant un peu à contre-coeur qu'ils ne prouvent rien. De même, on ne fait appel qu'aux morts de chaud et pas aux morts de froid (quelques lignes y sont tout de même consacrées en appendice), et si certains modèles (et il faut diantrement se méfier des modèles, mais c'est passé sous silence) prévoient plus de pluie en Asie, on parlera d'inondations... Tout changement ne peut être que mauvais, voilà la leçon.

A la page 99 (sur 255), on apprend enfin comment s'y prendre pour atteindre les objectifs désirés : ne pas dépasser une augmentation de 2° C (qui provoquera déjà toute une série de catastrophes détaillées à la page 90). Il s'agit tout bonnement de la méthodes des "coins" (wedges) de Socolow et Pacala, qui est à vrai dire la seule solution imaginable : plusieurs technologies sérieuses qui s'additionnent et qui se développent de manière linéaire sur les cinquante prochaines années, chaque "coin" croissant graduellement de 0 à 1 milliard de tonnes de carbone. C'est d'ailleurs devenu un jeu auquel certains s'adonnent sans retenue, et sans aucun réalisme. Malheureusement, les auteurs de notre livre ne semblent pas avoir compris que l'effet désiré doit se maintenir à niveau au terme des cinquante ans. Ainsi leur premier "coin" (diminuer d'un facteur deux la consommation d'essence des 2 milliards d'automobiles) est peut-être techniquement atteignable, mais dès que le but est atteint, on y reste. Par contre, "planter 300 millions d'hectares de forêt dans les tropiques est absurde, puisqu'une fois ces 300 Mha plantés, l'absorption de CO2 s'annule (une forêt à l'équilibre est au mieux neutre au carbone, au pire nocive au méthane). Et puis, on va les chercher où, ces centaines de millions d'hectares quand on sait qu'il faudra doubler la surface cultivée d'ici à 2050 ? Freeman Dyson remarquait en passant qu'on pourrait développer par génie génétique des arbres "dévoreurs de carbone" - et il ne fait quasiment aucun doute qu'il faudra, malgré les cris d'horreur de certains, passer par ce fameux génie génétique ("manipulations génétiques" pour ses adversaires). De même, les deux millions d'éoliennes d'1MW ne doivent pas être en back-up de centrales à charbon, quadrupler les centrales à gaz aux dépens des centrales à charbon est bien beau, mais quid des réserves de gaz ? Quant à multiplier par cinquante l'utilisation actuelle des agrocarburants, cela ne fait plus rire personne. Une phrase du livre résume un peu le tout : "However, none of these problems is insurmountable"...

Evidemment, le très gros problème avec la méthode des coins est qu'en y jouant on perd la notion de coût, et que cela devient vite du pur yaka. De même, il faut commencer un jour, mais les politiques ne s'y décident pas, et quatre ans se sont écoulés depuis la publication de l'article, quatre ans où rien ou presque n'a été fait.

Puis, pendant quelques pages (106 à 153), les auteurs brossent à gros traits les bricolages proposés, et ils ont au moins l'honnêteté de suggérer que la plupart ne valent pas grand'chose (tout en se montrant extrêmement volontaristes !), et laissent le problème des coûts presque entièrement de côté, pour le chapitre suivant qui reprend très honnêtement le rapport Stern et ses critiques, le Clean Development Mechanism et ses critiques, et un assortiment de mesures plus ou moins bien définies mais qui semblent fortement teintées de wishful thinking.

Une critique adressée au livre par le New Scientist était le refus de considérer la géo-ingéniérie (comme la diffusion volontaire d'aérosols dans l'atmosphère pour refroidir la planète). Je suis assez d'accord sur cette réserve, mais hélas, les auteurs se trahissent lorsqu'ils annoncent froidement : "The main reason...[is that it is] a quick fix that leaves us with our old bad habits intact" (c'est moi qui souligne). Voilà de nouveau la morale qui s'introduit ! Old bad habits...

Reste une grosse question, LA grosse question : quid des nouveaux arrivants, Chine, Inde etc. ? Onze pages y sont consacrées, et quand je dis consacrées, c'est un bien grand mot... En fait, tout est brossé sous le tapis, sauf encore quelques platitudes du genre "quand vous achetez un produit Made in China, c'est vous qui êtes responsable du carbone utilisé" ou "les Chinois peuvent bien dire que les USA sont hypocrites", ce qui ne résout en rien le problème que des centaines de millions de gens désirent améliorer grandement leur niveau de vie. C'est une faiblesse insondable de ce livre, et qui le disqualifie entièrement.

Enfin, quelques pages détaillent les "bonnes manières" habituelles (ne pas gaspiller, moins rouler en voiture, acheter un véhicule hybride, "compenser" les voyages en avion - sans aucune critique sur ces schémas de compensation, envers lesquels on peut nourrir un fort scepticisme...), la feel-good attitude, en somme. Et pour finir un appendice sous forme de questions (ou affirmations)/réponses, pas très intéressant et parfois carrément trompeur (on  reparle de la Chine pour répéter que si les pays développés s'engagent à réduire sérieusement leurs émissions, alors la Chine et tutti quanti, tout se résoudra - comment, on ne le dit pas, mais il faudra donc compter sur un miracle).

En bref, un livre très décevant. Lisez plutôt Lomborg.

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