J'ai évidemment un certain faible pour les
anticonformistes, voire pour les zinzins, disons jusqu'à certaines pitreries d'un Maurice Allègre. Aussi étais-je très gourmand de lire dans le Courrier International l'interview d'un certain
Luiz Carlos Molion, titrée (par le CI, je suppose) : "L'écologie, c'est souvent du néo-colonialisme".
Bien entendu, une fois encore le terme "écologie" est à prendre à côté de son sens ; mais je finirai par en prendre mon parti et accepter que la langue évolue...
Eh bien, j'ai été déçu. Voyons donc les arguments avancés par M. Molion pour justifier son point de vue que la Terre se refroidit.
D'abord, que les séries de températures relevées depuis environ 150 ans ne le sont en gros que dans l'hémisphère Nord, ce qui est exact, mais n'est pas précisément un scoop.
Deuxièmement, ces températures ont montré un extremum local (temporellement parlant) dans les années 30-40 et ont été suivies par une période de refroidissement qui ont même fait craindre à
certains l'imminence d'un nouvel âge glaciaire. Ce qui est tout aussi vrai, et tout aussi peu probant - ce qui compte, c'est une tendance, pas un segment de la courbe choisi pour appuyer sa
thèse. Bjorn Lomborg a assez critiqué ce genre de manipulation pour qu'on ne tombe plus dans le panneau ; et d'autre part, il ne faudrait pas retomber dans
le fallacieux paradigme du principe de précaution et exiger du GIEC une série de preuves
absolues sans place pour le doute ; cela est tout simplement impossible. Contrairement à ce que croient certains, la science est bâtie autour d'un consensus, et mêmes les mathématiques n'y
échappent pas (même si c'est d'un autre type de consensus qu'il s'agit).
Mais passons maintenant aux assertions un peu plus réjouissantes :
"L’augmentation de CO2 n’est pas un phénomène nouveau. Au cours de ces cent cinquante dernières années, nous avons déjà atteint 550 ppm, voire 600 ppm." Là, j'avoue ma stupéfaction :
qu'un climatologue censément réputé puisse sortir une telle ânerie est assez étrange. Qu'il ait parlé de 150 millions d'années, là, évidemment....
"Il n’est pas exagéré d’affirmer que le climat de la Terre résulte de tout ce qui se produit dans l’Univers". J'adore le "pas exagéré"... Le climatologue devient astrologue.
"Les brevets sur ces gaz étaient tombés dans le domaine public. On a alors inventé cette histoire selon laquelle les CFC détruisaient la couche d’ozone". On retrouve malheureusement là
la thèse du complot qui avait également saisi Haroun Tazieff, et qui n'avait pas
ajouté beaucoup de lustre à ses dernières années, hélas. Il est tout-à-fait démontré, prouvé et vérifié (encore une fois à quelques sceptiques près) que les haloalkanes (les fréons - marque déposée par DuPont) sont à l'origine de la destruction de l'ozone stratosphérique.(*)
"Dans son film Une vérité qui dérange, l’ex-vice-président des Etats-Unis Al Gore affirme : “Nous avons résolu un problème crucial : celui de la destruction de la couche d’ozone.”
Comment a-t-on pu le résoudre, alors que les scientifiques de l’époque affirmaient que la couche d’ozone ne pourrait se rétablir qu’après 2100 ? Il s’agit d’une attitude néocolonialiste".
Non, pas néocolonialiste, c'est ridicule de traiter ce pauvre petit film de néocolonialiste. Al Gore roule pour lui et pour une future présidence des USA, et tout est bon, y compris ses drames de
famille complaisamment exposés sur écran géant. Cela dit, je suis d'accord avec Molion : le problème n'a pas été résolu, et l'appauvrissement en ozone stratosphérique coûtera sans doute la vie à
de nombreux Australiens et Néo-Zélandais. "Personne ne parle plus du trou dans la couche d’ozone, alors qu’en réalité, selon les prévisions actuelles, en octobre, ce trou n’aura jamais été
aussi important". Deux erreurs de plus ! On en parle beaucoup, justement, et - paradoxalement - on en parle beaucoup parce que ça va à la fois beaucoup mieux et beaucoup moins bien
!
Beaucoup mieux : en effet, le protocole de Montreal n'est absolument pas enterré, quoi qu'en pense M. Molion ; en fait, les membres du groupe viennent de se réunir et les constatations sont
plutôt réjouissantes. On estime à présent que le fameux "trou" austral sera refermé d'ici à 2075, soit 25 ans plus tôt que prévu, et qu'en général les teneurs en ozone stratosphérique
retrouveront leurs valeurs d'avant les années '80 vers 2050.
Beaucoup moins bien : le petit problème, c'est qu'on a remplacé les fréons par d'autres produits, les HCFC (en voie de disparition) et les HFC. Le hic, c'est que ces produits sont de puissants gaz à effet de serre, et qu'ils contribuent donc de manière
importante au réchauffement atmosphérique ! Vous imaginez, tous les Indiens et Chinois qui s'achètent des climatiseurs... Bonté divine !
Voilà, il fallait que ça se sache. Vous n'auriez pas l'adresse e-mail de M. Molion ?
(*) P.S.(2012) Hé bien, ça ne s'arrange pas aussi bien qu'on pouvait l'espérer, au point que certains parlent de la possibilité d'un autre mécanisme de destruction de l'ozone...