Vent debout contre l’ouverture des commerces en soirée et le dimanche, Anna Hidalgo s’en prend désormais à la dernière innovation issue du net. Le nouveau service d’Amazon, Prime Now, constitue selon elle "une concurrence déloyale à l’égard des commerçants et des artisans".
Anne Hidalgo est toujours en retard de deux guerres. Vent debout contre l’ouverture des commerces en soirée et le dimanche, elle s’en prend aujourd’hui à la dernière innovation issue du net. Le nouveau service d’Amazon, Prime Now, constitue selon elle "une concurrence déloyale à l’égard des commerçants et des artisans". Rien que ça. L’idée que les Parisiens puissent souhaiter se faire livrer des produits – en particulier alimentaires - en une heure, maximum deux, lui est juste insupportable. Et les commerçants de proximité qui n’ont pas encore l’équivalent de Deliveroo ?
Nous la voyons brandir l’arme de la répression avec l’érection de "garde-fous" – lesquels ? – et la promesse d’être "intransigeante" avec Amazon. Si elle l’est autant qu’avec les services de la Ville de Paris – pensons au ramassage des poubelles et à la propreté -, les dirigeants d’Amazon peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Et les Parisiens impatients de bénéficier de ce service ultra réactif aussi.
Elle a déjà haussé le ton à l’égard d’AirBnB, concurrent (forcément) déloyal à l’égard des hôtels. Le durcissement des conditions de location d’appartements s’est accompagné d’un recours implicite – sans l’avouer – à la délation des "voisins vigilants" pour punir les propriétaires – et donc leurs clients - qui ne respecteraient pas strictement l’empilement croissant de restrictions et d’interdictions. Tout ceci n’est qu’un début. Tant d’autres nouveautés en préparation ou en cours de lancement sont en passe de bousculer les acteurs économiques actuels qu’Anne Hidalgo ne va bientôt plus savoir où donner de la tête. Elle devra embaucher et former pléthore de nouveaux fonctionnaires chargés de surveiller toutes ces nouvelles pratiques et de réprimer ces barbares du net alors que les comptes de la ville sont largement déficitaires. Est-ce bien raisonnable ?
La Maire de Paris adore pourtant inaugurer les incubateurs de startups : Numa et, récemment, la Digital Foundry dans la Silicon Sentier, le Cargo ou la Halle Freyssinet où s’installeront 1.000 startups aux cotés de la fameuse école 42 co-fondée par Xavier Niel, Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon. Avoir plein de startups, c’est branché. Les laisser développer leur offre auprès des consommateurs, c’est une autre affaire. Comme tant d’autres responsables politiques, Anne Hidalgo découvre que ces jeunes pousses deviennent vite des mauvaises herbes pour l’économie planifiée et soutenue à coup d’autorisations, d’aides et de privilèges. Internet ne connaît ni les frontières, ni les vieilles règles. Elle va devoir admettre qu’aucune muraille ne résiste à ses avancées.
Elle n’est pas seule à rester hermétique au changement, l’ancien président de la République vient seulement d’apprendre l’existence du site leboncoin.fr. L’arrivée des plateformes numériques a déclenché une révolution tant sur le plan de nos habitudes et de l’usage de nos biens que sur celui du travail. Le Big Data, les Smart Cities, la voiture autonome, le Blockchain et d’autres ruptures technologiques en cours vont bouleverser les liens sociaux, l’économie et le rapport des citoyens à l’Etat.
Myriam El Khomri et Philippe Martinez s’étripent en tête-à-tête sur quelques ajustements marginaux du Code du Travail alors que la première n’a jamais travaillé dans une entreprise et que le second les terrorise. Ils n’ont pas compris que le Code du Travail serait bientôt relégué dans l’oubli par la "concurrence déloyale" du progrès. Celui-ci fait émerger de nouvelles formes d’activité, condamnant sans doute à terme le salariat traditionnel. Nous travaillerons de plus en plus pour plusieurs donneurs d’ordre au lieu d’un employeur unique.
La pluriactivité exigera de l’agilité et de l’autonomie, tout le contraire du salariat engoncé dans ses 3.500 pages de réglementations trop complexes et rigides.
L’ambition d’Anne Hidalgo, c’est de faire de Paris une ville provinciale à l’échelle de l’Europe. Sacré pari compte tenu des nombreux atouts de la capitale. Elle n’est pas loin d’y parvenir. Malmenée par une planification ratée des transports et de multiples restrictions, Paris devient une ville-musée ; un musée qui se vide avec la baisse annoncée par le Louvre de 1.7 million de visiteurs en 4 ans (1). Pour elle comme pour l’ensemble de la classe politique, les nouvelles technologies sont bonnes pour l’image, la déco, tant qu’elles n’altèrent pas nos modes de vie. Leur ode à la lenteur se voit néanmoins régulièrement percutée par les innovations que les dirigeants politiques n’ont pas vu venir. Des entrepreneurs, des ingénieurs et des inventeurs géniaux sont en train de dessiner nos sociétés de demain tandis que les politiques ne s’intéressent qu’au prochain scrutin. Ces derniers doivent se préparer à de nombreuses nuits blanches.
La révolution numérique rend aux citoyens de nombreuses libertés, liberté d’expression, d’action et de consommation. L’Etat voit ses assujettis le contourner sans scrupule, lui et ses réglementations à l’ancienne. La société est en train de se reconstruire sur de nouveaux fondements qu’aucun dirigeant ne parvient à comprendre ou à contrôler. Décidément, la rupture numérique est vraiment une concurrence déloyale pour le pouvoir.
(1) Le vrai problème du Louvre, Le Monde, 10 juin 2016, voir ici
Bien, ce n'est pas de moi, c'est du Parti libéral-démocrate (info@p-l-d.fr) avec lequel je ne suis pas toujours d'accord, mais ici je le suis complètement. Chaque fois que je lis "déloyal" ou "dumping", je pense "ah oui ?". Bien sûr, si les aides d'Etat favorisent telles ou telles entreprises (on pense évidemment - entre autres - aux relations incestueuses entre l'Etat français et ses fleurons bancaires et énergétiques ou aux relations "cul et chemise" entre l'Etat allemand et ses banques régionales, ainsi que tous les cas de crony-capitalism), on peut s'interroger.
Mais quand je lis les e-zines, blogs et autres de mes amis britanniques (par exemple spikedonline ou Matt Ridley, avec qui je me sens proche), je suis un peu attristé de leurs réactions. Bien sûr, l'Europe (comme on dit ; en fait la Commission depuis le sinistre Barroso) a eu une tendance à "micro-manager" le schmilblick, mais c'est aussi parce que le Conseil et les conseils européens ont quasiment tout bouffé. Il reste le PE, dont je me méfie absolument : le débat autour du glyphosate en est un exemple évident - courez derrière les zécolos pour gagner les votes de ceux qui ne comprennent rien à rien.
Et, hélas, je me dois de constater que les citoyens britanniques se sont fait piéger, avec les abominables palinodies de l'affreux Cameron, les mensonges éhontés de Nigel Farage, les réels problèmes mal posés des petits et sans voix, agriculteurs, pêcheurs et autres que la Commission n'a pas entendus.
L'Europe des Pères fondateurs est-elle obsolète ? C'est possible et c'est même probable. N'oublions pas que la première intention des Schuman et Monet était le "plus jamais ça" après 1945. Quel jeune citoyen se souvient-il de la dernière guerre mondiale ? Et ce n'est pas un hasard si la première incarnation de la construction européenne est la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier, pour l'immense majorité de nos concitoyens qui ne savent pas que le charbon, l'acier et la Ruhr ont été déterminants lors de l'étripement de nos nations de la deuxième guerre mondiale).
Ah, oui, je suis un +65, un de ceux qui ont voté en majorité pour le Brexit (je veux dire par l'âge, pas par le vote). J'aurais voté différemment, comme tous les jeunes qui voyaient dans l'Europe (pas trop...) intégrée afin de préserver leur avenir. Insularité ? Vous allez tout de même la payer, même si tous les 65++ vous admirent pour votre équanimité durant le blitz. Vous avez été merveilleux, nous vous devons beaucoup, mais vous venez de vous tromper un peu...